Lucky Losers de Laurent Malot

Lucky Losers de Laurent Malot

Whooz : Laurent Malot
ON : Lucky Losers – Albin Michel, 2017

Lucky Losers de Laurent Malot

Coup de coeur de l'année 2020

Chronique d'Eppy Fanny

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L’histoire :

Cette histoire est une comédie sociale à la sauce à la menthe. Trois ados qui vont déclencher une lutte des classes, en être les catalyseurs, le symbole ! Le principal protagoniste est Sean Kinsley, qui a quitté Londres pour Douarnenez pour des raisons familiales. Il est à moitié anglais. Son père, Peter, est un artiste. Peintre et musicien. Accessoirement homosexuel. Ses penchants ont fait voler en éclat la famille et l’a obligé à venir en France. Pour oublier ses soucis il tombe un peu trop souvent dans l’alcool. La mère de Sean, française, a refait sa vie. Elle et sa fille ne digèrent pas, ne comprennent pas cette « déviance ». Elles ne pardonnent pas à Sean d’avoir choisi de vivre avec son saltimbanque de père.

Au lycée St Hilaire de Douarnenez, Sean a rencontré, dès son arrivée, 3 mousquetaires. Amis à la vie à la mort. Il y a Antoine, 17 ans, en bac pro électricité, tombeur de ces dames, et pas que des demoiselles qui passent à sa portée. Puis Kévin le confortable, le moelleux, avec ses kilos en trop. Et enfin Rémy, celui qui aligne difficilement plus de 3 phrases. Leur QG, La Dentelle, est une crêperie où ils parlent de tout, refont le monde et l’imaginent meilleur.

Puis voilà que l’institut Balzac, ce nid pour filles et fils de nantis de la ville, part en fumée. Cet incendie va tout chambouler. Plus de 60 élèves privilégiés, à deux mois de la fin de l’année, vont intégrer St Hilaire. Cette cohabitation va être explosive. Dans les nouveaux élèves il y a Camille d’Arincourt, la plus belle fille du monde. Sean et ses hormones s’emballent.

Extrait partiel page 18 et 19 :

« - Laisse tomber, c’est pas pour toi.

Ils m’ont certifié l’avoir répété quatre ou cinq fois avant que je l’entende.

– Laisse tomber, c’est la banquise cette fille, et toi, t’es un rafiot qui va se faire broyer si tu t’approches trop près !

J’aimais bien les métaphores de Kévin, mais celle-ci me faisait mal…

- …. Je préférerais que tu en trouves une que je n’aurais pas envie de baffer tous les matins.

C’est là que j’ai fait le lien. Camille était l’héritière des Ateliers d’Arincourt, spécialistes en vaisselle de table, couverts et verrerie haut de gamme. L’usine existait depuis plus d’un siècle… et employait six cents personnes. Les parents de Kevin s’y esquintaient depuis quinze ans sans espoir de voir leurs conditions de travail s’améliorer. La récession avait bon dos, on pouvait geler les salaires sans avoir à se justifier de bénéfices mirobolants. »

Cet incendie va aussi apporter à nos mousquetaires trois ennemis jurés. Des fils à papa odieux, condescendants, prétentieux et sans empathie. J’ai nommé : Quentin Jaouen, fils du patron d’une conserverie ; Jacques-Etienne Le Guen, fils d’un restaurateur ; et Hubert Guilbec, fils d’un huissier. Irrécupérables.

Hors de la sphère de nos ados, des rumeurs enflent dans la ville au sujet de licenciement dans la conserverie Jaouen. Et voilà que la rumeur va être confirmée à la sortie du lycée. Le trio de fils à papa se moque d’un élève de terminale et lui assène que ses parents vont avoir du temps puisqu’ils seront bientôt chômeurs. Une charrette de 75 salariés est confirmée. Les ados sont bouleversés. Les parents de certains travaillent à la conserverie. D’autres sont indignés de tant d’injustice. La vie est déjà tellement difficile. Des consciences sociales se réveillent.

Le trio de pédants va s’en prendre à Sean, dont le penchant pour Camille les dérange. Ce dernier va alors se rebeller et leur lancer un défi. Sans réfléchir. Instinctivement, il va les défier sur leur propre terrain. Dans un mois les mousquetaires affronteront les fils à papa. Trois épreuves : natation, équitation et aviron. Sarah, 16 ans, apprentie journaliste, est fière de voir enfin quelqu’un relever la tête face aux petits bourgeois de Balzac. Les mousquetaires, eux sont moins enthousiastes. Sean est fou. Ils sont foutus !

Extrait partiel page 86 : « Il y avait toutes les injustices du monde dans ce défi, en tout cas du mien, à commencer par mon père. Je n’avais toujours pas digéré de le voir tomber si bas. … Aujourd’hui il était l’homosexuel qui vivait seul dans un appartement sans âme et picolait pour oublier sa déchéance. Il y avait aussi la grève de mes oncles mineurs que Thatcher avait écrasés, les traders de la City que j’avais trop vu dans le métro, costumes et attachés-cases hors de prix, sans un regard pour des clodos à peine plus vieux qu’eux, il y avait les enfants d’Asie qui travaillaient, pour fabriquer nos vêtements à bas prix, ceux d’Afrique qui crevaient par milliers parce qu’ils n’étaient pas blancs, il y avait les femmes d’Inde, du Moyen-Orient et d’ailleurs, que les hommes traitaient comme des esclaves ; c’était toujours la même chose, les forts contre les faibles. »

Sean va devenir malgré lui l’incarnation de la lutte des classes. Le Che de Douarnenez. Il faut dire que d’autres plans sociaux secouent la ville. Les adultes, un temps craintifs de perdre le peu qu’ils ont, vont soutenir le défi des jeunes, même lorsque certains patrons, inquiets de l’engouement que fédère ce défi vont tenter de le faire capoter et de diviser nos mousquetaires. Nos jeunes révoltés vont s’entraîner avec acharnement, car perdre oui, mais avec panache ! Puis Sarah, la jeune journaliste de 16 ans, va rallier de vrais journalistes, des syndicats… Les adultes vont alors, eux aussi, se défendre et rejoindre les lycéens dans la rue. La ville va bouillonner. Car une chose est primordiale, toujours : préserver sa dignité !

Extrait page 220 : « Ce n’est pas une grève comme en connaissent des tas d’entreprises, c’est un soulèvement. Et il ne concerne pas le monde du travail, mais la société tout entière, la société des gens qui n’en peuvent plus des petites humiliations du quotidien, des injustices tellement courantes qu’elles en deviennent banales, des atteintes à la dignité et des rancœurs avalées. Mettez-les bout à bout, vous récolterez ce que vous avez semé : une insurrection. »

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L'avis d'Eppy

Ce roman jeunesse peut être lu par tous. La preuve. Les sujets abordés sont encore et toujours d’actualité. Le chômage, se spectre affreux, rode et déploie largement ses ailes actuellement. Une immense ombre qui plane sur de trop nombreuses têtes, prête à s’abattre.

Heureusement, le récit est bourré d’humour. C’est un mélange de Diabolo menthe et de The Full Monty qui nous parle du premier amour, de l’amitié, de différence, de la lutte des classes et des injustices. Des sujets sérieux sont abordés par le regard d’un ado que ses hormones travaillent.

Et dans la vie, rien n’est tout blanc ou tout noir, et finalement l’amour se fout royalement des torchons et des serviettes.

Laurent Malot merci à toi pour ce récit. Je me suis régalée.


Laurent Malot sur WHOOZONE.COM

Laurent Malot et Mattias Koping, rencontre croisee

Pour aller plus loin

https://www.albin-michel.fr/ouvrages/lucky-losers

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30/12/2020
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