American Witches de Katia Campagne

Whooz : Katia Campagne
ON : American Witches – Hugo Poche, 2021

American Witches
de Katia Campagne

Chronique de Bruno Delaroque

Voici une première œuvre très habilement réalisée. Entre croyances historiques et traditions locales, il est bien difficile de faire la part des choses. Le corps d'une femme démembrée est retrouvée sur un chemin de randonnée au cœur de la forêt. C'est le point de départ de cette intrigue qui va nous plonger dans une espèce de climat mystique où les Sorcières de Salem tiennent le haut du pavé.

Une mise en scène soignée dans ce bled du Massachusetts, Hinsdale, où il ne se passe d'habitude jamais rien. Dernière enquête pour le Shériff Karl Rosenberg, un type bourru, difficile à cerner, presque inamical. A un mois de sa retraite, cette affaire tombe plutôt mal, d'autant plus qu'il doit s'occuper du jeune blanc bec supposé le remplacer, Ethel Green, tout juste débarqué de Boston.

Pour Ethel, ça va être une formation accélérée, pas le temps de souffler pour lui qu'il faut se frotter aux personnages influents du lieu, comme les Sorcières ou le Maire plénipotentiaire, Charlie Weld. Rien n'est simple dans ce pays au passé très présent, terre de légendes et de peurs ancestrales.

Mais finalement, on y parle aussi de transmission de l'autorité, comme entre Karl et Ethel. On y parle de féminisme, de la protection de la femme battue, mais aussi de l'émancipation de la gente féminine. Des thèmes forts que l'on retrouve tout au long du roman et qui apporte un éclairage différent des légendes urbaines.

Dans cette contrée de bouseux, il s'avère bien plus difficile d'enquêter que de se faire des ennemis. Des forces obscures sont à l’œuvre et notre romancière ménage bien le suspense entre sorcellerie et réalité. Stigmatisation et peur vont bien souvent de pair au fin fond de la cambrousse  ; le poids des siècles anciens pèsent toujours autant sur les âmes et renforcent les coutumes locales.

Le bureau des légendes, la brume, les sorcières, la forêt, créent un univers bien nébuleux pour une affaire aux ramifications multiples.

Il y a de superbes descriptions d'atmosphères angoissantes, qu'un brouillard épais ne manque jamais d'exacerber. Les protagonistes taiseux pour certains, d'une puissance carnassière pour d'autres se révèlent être les moteurs puissants d'une histoire séduisante.

On ne s'ennuie pas une seconde au cours de ces 400 pages et cette publication Hugo poche me fait vraiment penser à une maison d'édition spécialisée dans le noir américain. Mais cette fois ci, c'est Hugo qui rafle la mise en publiant « American Witches », égalant ainsi les meilleures publications made in USA. C'est un bel exploit !

Il y a beaucoup de raisons qualitatives pour découvrir ce livre. Sa parution directe en format poche en est une de plus. Pour un prix modeste, vous allez faire une belle promenade au fin fond du Massachusetts, mais ce n'est pas certain que vous aurez envie d'aller y passer vos vacances.


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