
Interview découverte de Virginie Carton

Whooz : Virginie Carton
ON : Au Cinéma le 5 février 2014
Une leçon de vie
« Old School ». Un jour peut-être nous passerons a des moyens audio/numériques pour recueillir les propos des personnalités que nous interviewons, en attendant nous procédons « à l’ancienne », avec papier et crayon, « old school », quoi ! « Old School » était le titre que Virginie Carton voulait donner à « La Blancheur qu’on croyait éternelle », une véritable leçon de vie (tout comme cette rencontre !).
Qui êtes-vous, Virginie Carton ? (LA question ! Celle qui interpelle bien des fois)
Virginie Carton : On est multiple, en fait ! Mon état civil, Virginie Carton, c’est mon vrai nom. Je suis romancière, j’ai 42 ans, j’habite dans le Pévèle. Et sinon, si je prends mon temps à réfléchir à qui je suis, je suis une personne sensible et qui essaie de remplir au mieux son passage sur terre, le plus conformément possible à ses idéaux.
Quel est votre rapport avec le Nord ?
J’y suis né, à Lille plus exactement. J’ai un rapport un peu ambigu avec ma région. J’aime Lille, mais je ne peux pas dire que j’aime tout du Nord. C’est une région rude et laborieuse alors que ma nature est plutôt épicurienne et joyeuse. Je ne sais pas si j’ai des racines car je pourrai m’enraciner ailleurs. Mais comme disait Barbara, dans un autre contexte, « il y a des gens que j’aime bien », dans cette région.
Et le Pévèle ?
Le Pévèle, c’est un coin de campagne à quelques kilomètres de Lille où je me sens bien. Là je peux laisser s’exprimer ce côté épicurien qui existe chez moi, et profiter des bonheurs de la vie. J’ai une nature contemplative, il est important pour moi de vivre ainsi. En même temps je suis plus souvent à Paris qu’à Lille.
(En évoquant la séance de dédicace qui fut pour nous l’opportunité de rencontrer Virginie Carton) Quelle est pour vous l’importance d’une telle manifestation ?
C’est de rencontrer mes futurs lecteurs. Je suis un auteur débutant, je n’attire pas les foules. J’adore ce moment où les gens sont attirés par un titre qui leur parle. Ils sont alors curieux d’un livre, et on échange. Et je les encourage à donner leur retour de lecture via mail. Il se passera quelque chose entre le moment où ils achètent le livre et où ils l’ont lu. Dans un livre on y met la partie la plus fidèle de son âme, l’écriture permet de communiquer rapidement sans passer par l’image (je parle de mes propres images), d’âme à âme, ce qui donne lieu à de profondes rencontres.
« Dans un livre on y met la partie la plus fidèle de son âme »
J’adore être spectatrice des autres, je n’aime pas qu’on me regarde. Personne ne peut mieux me connaitre qu’en me lisant. Il y a un écart immense entre ce que je dégage en vrai et ce que j’écris. Je ne donne pas l’image de ce que j’ai au fond de moi surement à cause de mon éducation. Je n’ai pas appris à montrer, donc j’écris.
Pouvez-vous nous parler de votre dernier livre ?
Je suis allé bien plus loin en moi pour mon second livre que pour mon premier («Des amours dérisoires »), c’est celui que j’accompagne en ce moment.
Parlons de celui-ci à travers son titre. Pouvez-vous nous en donner une explication ?
Il correspond à deux choses : ma sensibilité et ma petite connaissance de la chanson Française. « La Blancheur qu’on croyait éternelle » est extrait d’une chanson d’Alain Souchon (« L'amour à La Machine »), qui m’a donné son autorisation pour l’utilisation de ses paroles. « La Blancheur qu’on croyait éternelle » est truffé de références musicales donc il était logique de trouver ce titre-là. Il m’est venu après que le livre soit fini.
Au niveau du sens, pour moi il évoque la pureté, la virginité de nos vies que l’on rêvait quand on était enfants. Les expériences passent, les désillusions arrivent. Les désillusions font parties de l’apprentissage, mais certains ne se résigne pas. On a plein de rêves à l’adolescence que l’on ne réalisera pas, donc naît la désillusion, mais cet espoir on le garde au fond de nous, c’est-à-dire que ce rêve d’absolu et de pureté ne nous quitte pas. En tout cas il ne quitte pas mes personnages. Beaucoup de gens n’osent pas assumer qu’ils ont encore une quête de romantisme. En grattant un peu on espère tous que quelqu’un nous attende quelque part !
Logiquement beaucoup de gens s’identifient à Mathilde et Lucien, mes deux personnages. Ces derniers ne sont ni prétentieux ni hors du commun. Ils sont restés « old school ». Ils ont aimé des choses dans leur jeunesse dont ils n’ont pas eu envie de se défaire. Conditionnés par leur nature profonde. Cela fait d’eux, dans une société où tout change vite, des résistants. Cette façon de rester égaux à eux-mêmes. On comprend au fil des pages que ce n’est peut-être pas eux qui ont tort !
L’idée est de dire que tout ce qu’on a aimé n’est pas à jeter tout de suite pour trouver le bonheur qu’on recherche. Il faut arrêter de se forcer à ressembler à ce qu’on n’a pas envie d’être comme certains font ! Il ne faut pas vouloir absolument être dans l’air du temps, juste savoir être soi. Mais être soi c’est aussi apprendre à se connaitre avant. Mes deux personnages vont comprendre qu’ils doivent travailler sur eux-mêmes, qu’ils ont un cheminement à faire pour trouver ce qu’ils ont près d’eux (ils habitent dans le même immeuble et sont pareils, il faut juste qu’ils ouvrent les yeux !).
Pouvez-vous nous parler de votre livre à travers sa couverture et plus particulièrement de son bandeau qui représente une Ford Mustang.
C’est un choix « old school », celui de la Ford Mustang de Jean-Louis Trintignant dans « Un Homme et Une Femme » de Claude Lelouch. Dans « La Blancheur qu’on croyait éternelle » Lucien aime les films de Jean-Louis Trintignant et Deauville, ce qui correspond à ce visuel d’« Un Homme et Une Femme ».
Claude Lelouch m’a donné l’autorisation d’utiliser cette photo tirée de son film.
« La Blancheur qu’on croyait éternelle » est sous la coupe de deux parrains : Claude Lelouch et Alain Souchon.
Pouvez-vous nous parler de vos personnages ?
Tout comme dans mon premier livre j’ai mis mes personnages dans une situation et je leur ai fait comprendre que c’était à eux de choisir leur vie, ou sinon les courants de la vie les mèneront où ils ne veulent pas aller. J’ai en tête un proverbe africain qui dit que lorsque l’on est vivant il faut lutter contre le courant, et rester acteur et capitaine de sa vie. Il faut ainsi savoir choisir les caps à prendre et les tenir par la suite. Avoir une destination, savoir où l‘on va et composer avec les éléments extérieurs. La navigation se fait également quand il y a des tempêtes.
La métaphore du marin et de son bateau s’appliquera à mes personnages, Vincent dans mon premier livre (il choisit son cap et navigue) ou Mathilde et Lucien dans mon second livre. Ces derniers délesteront leurs bateaux pour arriver à bon port. Ils font route commune vers une même destination. Ils vont tous deux au même endroit mais ils ne le savent pas, ils ont des bateaux un peu lourds.
Quels sont les secrets de fabrication de vos livres ? (d’un livre réussi)
Pour « La Blancheur qu’on croyait éternelle », Mathilde et Lucien se ressemblent beaucoup et je leur ai prêté beaucoup de mes souvenirs d’enfance. Ils sont devenus l’enfant qu’ils étaient déjà ! Le secret, c’est de parler de soi !
Il faut également bien définir le fond, ce que l’on a envie de dire. Il faut un message à crier, à partager, et autour de ça l’auteur brodera une histoire avec un ton léger et drôle, ou traitera son message à travers, par exemple, un roman policier. On peut dire les choses de mille façons, à l’auteur de trouver comment les dire.
Il faut ensuite pas mal de psychologie et construire un récit avec un début et une fin, c’est une chimie.
Quel est votre process ?
Mon process. Je suis une éponge, c’est catastrophique – tout me bouleverse. Après c’est presque mystique, j’ai des mots, des images qui me viennent par flash et des personnages arrivent en moi. Et là je commence à prendre des notes et j’essaie de trouver, comme une énigme, ce que tout va donner.
Je suis à l’écoute de signes. Je pense par exemple à une chanson, et je tombe dessus. Il y a plein de coïncidences. Déjà je suis éponge, mais quand je commence un nouveau livre je serai encore plus éponge.
Ecrire, pour vous est plus qu’une nécessité
Après mon troisième enfant j’ai fait un break et je me suis mis sérieusement à l’écriture, avant mes 40 ans. Le temps qu’il me fallait pour comprendre la différence entre écrire pour soi et écrire pour partager la lecture, et ça ça se sent dans l’écriture. Quand on lit on essaie de trouver un cheminement en soi.
« Quand on lit on essaie de trouver un cheminement en soi »
Quels sont vos projets ?
Faire un prochain roman, écrire un scénario, j’ai également des projets de cinéma … Plein d’envie !
Avez-vous déjà le titre de votre prochain roman ?
Il est trop tôt pour le dire ! Je ne le dis pas car souvent il changera. Un titre donne le « La » comme pour une musique et influence la mélodie du récit. Lorsque le livre sera fini on pourra changer son titre, ainsi « Old School » était le titre initial de « La Blancheur qu’on croyait éternelle ».