
Qui vive vu par Marianne Tardieu

Whooz : Marianne Tardieu
ON : Au Cinéma le 12 novembre 2014
« Qui vive » vu par Marianne Tardieu, sa réalisatrice
Les dessous d’un premier film
Argument. Retourné vivre chez ses parents, Chérif (Reda Kateb), la trentaine, peine à décrocher le concours d’infirmier. En attendant, il travaille comme vigile. Il réussit malgré tout les écrits de son concours et rencontre une fille qui lui plaît, Jenny (Adèle Exarchopoulos )… Mais au centre commercial où il travaille, il perd pied face à une bande d'adolescents désœuvrés qui le harcèlent. Pour se débarrasser d'eux, il accepte de rencarder un pote sur les livraisons du magasin. En l'espace d'une nuit, la vie de Chérif bascule...
« Qui vive » est un film « noir mais solaire dans la lumière », selon les propos de Marianne Tardieu, sa réalisatrice, dont c’est également le premier long métrage. Marianne Tardieu tint une conférence de presse lors de la présentation de son film au Majestic de Lille, nous vous en proposons les points principaux.
Parcours
Marianne Tardieu : Très tôt j’ai eu un désir de cinéma. Je suis passée par la philosophie et des études littéraires avant de faire Louis Lumière. Je me suis spécialisé dans l’image en occupant tous les postes possibles, assistante caméra, cadreuse … tout en écrivant des moyens métrages, puis un premier film. Mon premier film est d’inspiration du cinéma muet et de Philippe Garel, c’est un film très écrit, avec des respirations.
Reda Kateb
J’ai découvert Reda dans « Engrenage » et dans « Un prophète » avant de travailler avec lui sur un court métrage deux ans avant le tournage de mon long. Je lui ai alors fait part de mon projet, il n’avait pas l’envergure qu’il a actuellement, il était loin de « Détroit » (le film qu’il a tourné en compagnie de Ryan Gosling).
Adèle Exarchopoulos
Elle fait partie de la jeune génération prometteuse, elle n’avait pas encore tourné le Kéchiche quand elle a tourné « Qui vive ». La star du film, c’est Reda, Adèle est devenue une star sous nos yeux. Lorsque le film fut présenté à Cannes nous avons eu peur d’un parasitage (involontaire) d’Adèle aux yeux des médias, ce ne fut pas le cas.
Préparation du film
Mon film c’est cinq ans de préparation dont deux ans de recherches de financement. Arrivé au tournage le scénario était bien, 1h22 était le temps idéal. Nous avons eu très peu de déchets au montage. Cinq ans c’est cependant le temps d’avoir des doutes par rapport au film … mais arrivé le jour « J » l’équipe de tournage a fait qu’il y a eu un enthousiasme et les doutes sont partis.
La tonalité naturaliste du film
La première version du film était chronologique, il n’y avait pas de basculement. Ici on a frôlé le genre policier. J’ai fait des repérages avec des agences de sécu et dans un commissariat. Ma référence cinématographique c’est « Heat » de Mickael Mann, qui présente un braquage fragmenté sur lequel on revient lors d’une reconstitution. Je voulais garder une unité de ton dans le genre policier.
Le tournage eu lieu dans le centre commercial de Guérande. Les lieux ont créés des idées de plans. L’écriture quant à elle était presque celle du montage final.
« Qui vive », un film sur la banlieue, filmé par une femme
En vous précisant que vous n’auriez pas adressé cette remarque a un cinéaste, je reconnais que « Qui vive » est un film qui filme la banlieue, avec un regard de femme.
Sur l’air du « Emma Bovary, c’est moi » de Flaubert, je peux dire que je suis Chérif, et je suis Adèle également.
Comédiens pro et non professionnels
« Qui vive » présente des jeunes comédiens ainsi que des gens « frais », je distingue un échelon entre les deux. Le tout à très bien marché, le casting a été bien choisi.
Mon équipe technique a bien été choisie également. Mon chef op était avec moi à Louis Lumière … ce fut souvent le premier long métrage à leurs postes occupés par mon équipe technique. On a travaillé en confiance avec toute l’équipe technique.
L’ellipse finale, l’idée du pardon
Reda ne devait pas être un chien battu. La reconstitution devait être ouverte, cette fin est ambigüe avec une idée de pardon. Dans l’idée il n’avait pas son concours d’entrée à l’école d’élèves infirmiers, mais ce ne pouvait être possible. La scène finale pose des questions, notamment sur ses rapports avec le jeune. Il y aura une sorte d’apaisement, avec quelque chose de dur qui lui restera toute sa vie. Il était nécessaire de terminer sur son personnage. L’arrêt abrupt est un parti pris par rapport aux questions posées.
Le titre
C’est cinq ans de réflexion ! « Qui vive » se rapproche fortement de « Qui vivra verra ! »
Le titre est venu tardivement. « Insecure » est le titre Anglais. Il fallait, et c’est fort, qu’il y ait le mot « vivre » dans le titre. Le pas de tiret est voulu.
Appréhensions par rapport à ce premier long métrage
Mon appréhension était que le film ne se fasse pas, ce qui ne tenait pas avec une absence de qualité de sa part. J’avais également peur de ne pas être à la hauteur de la confiance de Reda. Mes craintes étaient fondées également par rapport aux scènes techniques, la scène du braquage, le concert … J’ai tourné à l’énergie, l’enthousiasme, l’excitation, mais avoir travaillé cinq ans sur le film m’a donné que je le possédais totalement. Fort de mes expériences sur d’autres tournages, je n’avais pas de raison de décrocher.
Le tournage
La contrainte de temps, c’est d’optimiser les décors. Une journée a été nécessaire pour la scène du bus, deux jours et demi pour le braquage.
Le montage
Il a duré 11 semaines et la musique est arrivée pendant le montage. Le montage a vraiment commencé après le tournage, le bout à bout faisait 1h40, on a donc tourné « utile ». On a fait pas mal de prises, mais peu de plans.
La distribution
« Qui vive » a bénéficié de l’ACID, Rézo est arrivé 4 à 5 mois avant le tournage. Ensuite Cannes fut une vitrine, il fut important pour la vente du film à l’étranger.
Le budget
Moins d’un million d’euros lors du tournage. De l’argent a été rajouté ensuite pour la post prod (Canal Plus et Arte ont ensuite montré de l’intérêt pour mon film).
Il faut écrire un film de manière à ce qu’il soit faisable. De tout temps il y eut des films qui se sont fait avec « rien ».
Et maintenant
Mon film a un début de vie incroyable nous avons de bons retours des avant-premières, j’ai notamment en tête l’avant-première de Champigny sur Marne où beaucoup de spectateurs étaient en empathie avec le film.
Je trouve que l’affiche est très belle, et que la bande annonce ne raconte pas trop l’histoire du film, ce qui est un bon point. J’assume tout, je ne suis pas dépossédée.
Le futur
Je travaille actuellement sur mon second long. Je retravaillerai peut être avec les jeunes que j’ai rencontré pour « Qui vive », mais dans des rôles différents de leurs rôles de jeunes de banlieues.
.