
L’astragale de Guy Casaril

Whooz : L’astragale de Guy Casaril
ON : Au cinéma le 19 décembre 1968
La prisonnière
Ce film a été visionné dans le cadre de la sortie ciné de « L’astragale » de Brigitte Sy (le 8 avril 2015), dernière adaptation cinématographique du livre éponyme d’Albertine Sarrazin.
Avant la version 2015 de Brigitte Sy, « L’astragale » fut adapté au cinéma par Guy Casaril en 1968, soit trois ans après la sortie du livre éponyme d’Albertine Sarrazin. L’adaptation de Casaril était alors celle d’un best-seller, d’un phénomène littéraire et d’une auteure décédée une année avant la sortie du film (Albertine Sarrazin avait participé à l’adaptation de son œuvre au cinéma). Marlène Jobert était Anne, l’héroïne du film, Horst Buchholz, Julien Sarrazin, son principal rôle masculin.
Argument. En s’évadant de prison afin de rejoindre son amie Rolande récemment libérée, Anne, une petite délinquante de 19 ans, se fracture l’astragale, un os du pied. Elle est recueillie sur le bord de la route par Julien, délinquant lui aussi, qui la cache d’abord chez sa mère, puis dans une guinguette abandonnée tenue par un ex-truand avant de la mener chez une prostituée parisienne vivant avec sa fille. Anne découvre l’amour passion avec Julien avant que ce dernier ne la néglige. Seule pendant qu’il est amené à ses trafics en province Anne se prostitue, vole ses clients, s’installe dans un hôtel huppé et trouve réconfort auprès de Jean, un de ses clients. Un jour Julien tombe, l’attente continue pour Anne, sous la protection de Jean. A sa sortie de prison, Julien s’aperçoit de l’amour qu’Anne lui porte à la lecture de ses écrits. Leur bonheur sera de courte durée, Anne sera reprise par la police. Clap de fin sur deux regards, celui de Julien, celui d’Anne dans la voiture de police, image figée sur celle-ci, générique de fin.
D’une prison l’autre. Le film de Casaril commence dans le milieu carcéral, filme l’évasion de son héroïne pour ensuite suivre la cavale de celle-ci, une autre prison faite de l’attente de Julien, de la méfiance d’autrui, de la fréquentation du milieu, du souvenir de Rolande et de la protection de Jean. Anne aime Julien, elle l’attend et se prostitue pour être libre puis, lorsque Julien est en prison, pour épargner de l’argent en vue de la libération de son amant avec le projet de vivre dans la normalité. Reprise par la police, Anne repartira pour une longue attente.
D’une version l’autre. La vision de Casaril (dont « L’astragale » est le premier film) peut être jugée comme académique dès sa sortie en décembre 1968. Même s’il s’est borné à traduire fidèlement la passion d’Anne pour Julien décrite par Albertine Sarrazin dans son roman autobiographique en édulcorant tous les sujets à polémique de l’œuvre originale, dont la passion qui unie Anne à Rolande et la prostitution, l’histoire qu’il présente fut notifiée à l’époque de sa sortie d’une interdiction aux moins de dix-huit ans. Le film de Casaril est illustratif, celui de Brigitte Sy synthétique, prenant en compte toute la vie et l’esprit de l’œuvre d’Albertine Sarrazin (son Julien, interprété par Reda Kateb, ressemblera au véritable Julien Sarrazin, le personnage de Guy Casaril (Horst Buchholz) à celui que le roman présente comme « un grand blond »), la cinéaste inscrit clairement son film dans les années 50, évoquant la guerre d’Algérie, et s’attache à la passion amoureuse qui unie ses deux personnages.
Le film de Casaril vaut pour le charme de Marlène Jaubert dont l’implication est manifeste (même si l’actrice n’avait plus l’âge du rôle qu’elle interprétait), pour l’adaptation qu’il donne à voir du roman d’Albertine Sarrazin puisqu’il en respecte la structure et pour la restitution du lyrisme et des mots de son auteure via la voix off de son héroïne, « L’astragale » est la longue plainte d’une écorchée vive, d’une amoureuse passionnée, d’une femme libre, même si sa cavale représenta une autre prison que celle dont elle s’échappa. Pour sa poésie on préférera la vision de Brigitte Sy à celle de Guy Casaril, en appréciant que tous deux nous encouragent à découvrir l’œuvre singulière d’une marginale dont la vie fut transcendée par son œuvre.
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