La joie vu par Charles Pépin

La joie vu par Charles Pépin

Whooz : Charles Pépin
ON : Avec « La joie » (Allary Editions, 2015)

« La joie », le roman d’un homme joyeux vu par Charles Pépin

« La joie » est le troisième roman de Charles Pépin, son premier roman depuis 12 ans ! « Mon meilleur roman » dira-t-il lors du forum qui lui fut consacré lors de sa venue au Furet du Nord de Lille* à l’occasion de la promotion de son dernier opus. Un événement animé et modéré par Frédéric Launay, journaliste. Récit.

Charles Pépin : D’autres avant moi ont choisi la fiction pour parler de philosophie. « La joie » suit un certain « Solaro », personnage qui a une définition particulière de « la joie ».


Solaro

Cet homme a une ressource de joie en se connectant à des instances de présence réelle. Mais cette joie est vécue comme un scandale par la société. Solaro paiera cher sa joie. Si l’on manifeste une joie qui demeure, face à d’autres, elle peut être vécue comme un scandale par celui qui la reçoit.

Même face au cancer de sa mère et à d’autres tracas Solaro continue d’être léger. Cependant il y a de la profondeur dans la joie, mon héros n’est pas un imbécile heureux, il a parfois des moments d’abattement mais la joie revient !

La question est : d’où vient cette joie ? Solaro ressent une joie profonde car il a compris que son existence aurait pu ne pas être. Le simple fait qu’il existe est un heureux hasard. Ce qui est profond également est son rapport avec le réel, ici il éprouve une « joie cosmique ». Face au harcèlement des autres et au fait qu’ils ne soient pas joyeux il dira : « ne voyez-vous pas que la vie existe ? ». Solaro est un sage.

Solaro prend tous ses ennuis avec légèreté, regarde les malheurs comme une ressource de joie qu’on ne connaissait pas, qu’on avait oublié. On a besoin du malheur pour savoir que la vie est une chance. Dans mon roman mon héros se bat pour son père et pour sa mère, on peut d’ailleurs dresser un parallèle avec le Meursault de Camus à qui l’on a reproché de ne pas avoir assez pleuré à la mort de sa mère dans « l’étranger ». Solaro aura un procès.


Solaro et les autres

Il finit condamné à mort par la société. Solaro n’a pas vu volontairement certaines choses. Ce qui est immoral. « La Joie » est un roman où j’ai voulu montrer l’ambiguïté de la joie, qui peut être amorale. Je veux créer un malaise quand on referme mon livre ! Certains lecteurs m’ont agressés avec mon personnage philosophique, un personnage qui incarne une notion, un personnage auquel il est difficile de s’identifier, surtout à la fin du livre.


Le personnage de Mandela, un monsieur triste

Un peu, oui. La vérité de Mandela est qu’il doute de ses combats. Il a persévéré malgré ses moments de doute. La grandeur est le doute. Il y a une épreuve de la foi dans le doute. Pirandelo, par exemple, doute de tout. Ce qui est joyeux est la réalité. La beauté de Mandela est qu’il a continué, malgré ses doutes.

Solaro est lui un sceptique et il se comporte bien, il aide père et mère. On projette sur sa démarche joyeuse une indifférence.


La justice et l’injustice

Solaro a un doute à peu près sur tout. Il n’a pas le droit de vivre comme ça. Il a un côté stoïcien avec une force solaire qu’il appliquera notamment à l’enterrement de sa mère, « c’est comme ça » dira-t-il, affirmatif, pas résigné. Pour construire il tue un chef de gang. Là il ne peut dire que ça s’inscrit dans l’ordre des choses, c’est un scandale.

Je n’ai pas pensé Solaro comme épicurien et stoïcien, mais il est comme ça. Ecrire le personnage de Solaro fut une belle expérience. J’ai voulu réécrire « L’étranger » de Camus, j’en ai adopté la même trame, et ai adapté l’histoire aujourd’hui, et la joie s’est imposée car à la fin du roman d’Albert Camus son personnage est joyeux, plein d’une joie stoïcienne d’affirmation du monde. Cette joie apparait à la fin de « L’étranger ».

J’ai eu besoin du roman pour aller plus loin en tant que philosophe : pourquoi la joie arrive t’elle sans raison ? J’ouvre le frigo, j’y trouve un truc, j’éprouve une joie, elle est excessive, elle « déborde », pourquoi ? Tels les stoïciens je voulais opposer la joie au bonheur. La joie n’est pas forcément morale.


Le procès

La société ne s’arrange pas de moments de joies. Notre société a injonction au bonheur, au fond notre société est triste. On peut être soupçonné d’être indifférent or la joie ne demande pas d’autorisation. La joie me traverse parce que je suis au monde or notre petite société occidentale veut qu’on maitrise tout. Quand on accueille ces moments de joie ça fait du bien, ce qui n’est pas égoïste. Pour mon héros, par exemple, ça lui permets d’aider sa mère.


La prison

C’est le lieu le moins propice à la joie. C’était le lieu idéal pour radicaliser le livre. Solaro partira du réel pour trouver la joie en prison, avec les ateliers, du foot, des amitiés …

Quand on arrive à trouver de la joie dans la contrainte c’est que l’on trouve de la créativité. La joie indique une liberté.


La condamnation de la société (la dernière partie du livre)

Solaro est trop heureux, trop joyeux, on l’enferme donc dans un hôpital psychiatrique. Là où on est « fou de joie », et capable de joie non rationnelle. La société considère la joie comme une maladie, et applique deux méthodes de soin : on va reprogrammer Solaro pour aller mieux (la psychiatrie d’aujourd’hui) ou on l’accueille comme il est (selon les enseignements de Freud/Lacan, or « die freunde » veut dire « joie » !). La vraie joie est d’accepter qu’on est comme ça. En acceptant cela, alors je peux changer.


Rapport entre joie et art

Le créateur souffre quand il n’arrive pas à créer, et éprouvera « la joie des créateurs ». C’est ce que l’on vit au quotidien lorsque l’on travaille avec des enfants. Bergson dit : « L’humain c’est la créativité ».

-


Conclusion

L’optimisme est tendu vers l’avenir, la joie est au présent. Cette philosophie de la joie est une lucidité mais la thèse de Solaro est de dire que l’espoir gâche la joie, que l’espoir est un poison.

La thèse du livre est que la société ne supporte pas la joie, mais je ne suis pas sûr d’avoir raison. Je ne suis pas sûr que la thèse de fond : la joie est asociale, soit vraie. Si les gens sont joyeux alors ils ne veulent pas de la came politique. Le politique n’est jamais joyeux. Il existe en fait une autre forme de joie qui se communique, telle celle des enfants.

 

* Le 28 mai 2015


Pour aller plus loin sur WHOOZONE.COM

 


Pour aller plus loin

http://www.allary-editions.fr/publication/la-joie/

.

28/08/2015
Retour
Commentaires
Vous devez être connecté pour déposer un commentaire

Derniers Articles

Grande Lessive de L'Homme Héron
Whooz : L'Homme Héron ON : Drôles d'Espèces -...
Les gens d'ailleurs de Loussine
Whooz : Loussine (Gérard) ON : In The Sky With – Dispo...
Les gens d'ailleurs de Loussine
Whooz : Loussine (Gérard) ON : In The Sky With – Dispo...
Voir toute l'actualité des personnalités
publicité

Toutes les images contenues sur ce site sont la propriété de Whoozone. Reproduction Partielle ou Totale est interdite sauf Accord écrit.

Mentions Légales - Politique Vie Privée - Gestion des Cookies

Double-Y