Laurent Malot et Mattias Köping rencontre croisée

Laurent Malot et Mattias Köping rencontre croisée

Whooz : Laurent Malot et Mattias Köping. Olivier Vanderbecq et Romain Delvallée
ON : Humeurs Noires, La Librairie des Littératures Sombres de Lille

Sombres campagnes
chez Humeurs Noires

Rencontre avec Laurent Malot et Mattias Köping*

« Mattias et moi racontons la même dégueulasserie du monde ! » Laurent Malot

Laurent Malot et Mattias Köping abordent tous deux un domaine réel et peu abordé dans le paysage du polar français, celui de la campagne profonde. Laurent Malot aborde la corruption dans « L’abbaye blanche » (Bragelonne, 2016), Mattias Köping, lui, aborde le trafic de drogue et d’êtres humains dans « Les démoniques » (Ring, 2016). « L’un est sale proprement, l’autre est proprement sale ! » selon Olivier Vanderbecq, libraire d’Humeurs Noires et animateur/modérateur de la rencontre entre ces deux écrivains dits « ruraux ». Récit.


Présentations de rigueur

Laurent Malot

Laurent Malot : Je ne suis pas arrivé dans le polar par hasard. J’ai d’abord écrit un scénar de long métrage avec la volonté d’être scénariste et de raconter des histoires. Ce scénario a été lu par Philippe Torreton, qui l’a communiqué à Bertrand Tavernier. Le projet était bien engagé, il ne se fit pas. Je n’avais pas l’idée d’écrire des romans jusqu’à ce que je lise les Michael Connelly et compagnie. Ce qui m’a parlé, et encouragé à prendre la plume. Je n’ai pas fait d’études particulières, mais j’ai toujours eu la volonté d’écrire des histoires. Que ce soit pour le Théâtre, la radio, le Cinéma ou l’univers romanesque, mon but est de raconter des histoires. Mon premier roman fut une fable humaniste, mon dernier roman (à paraitre en janvier 2017 chez Albin Jeunesse) sera une comédie sociale à l’anglaise, je suis un raconteur d’histoire, et ne suis pas cantonné au Polar. Mes modèles sont Clint Eastwood ou Steven Spielberg, des artistes capables d’aborder tous les genres. Je trouve génial de pourvoir s’attaquer à tout.


Mattias Köping

Mattias Köping : J’ai écrit quelques romans que j’ai détruits car je les considérais comme mauvais. Encore maintenant, quand j’écris, je détruis. J’ai considéré que mon dernier livre écrit était bien, je l’ai gardé ! Sur les conseils de ma femme je l’ai envoyé à un éditeur, ce que je ne voulais pas faire au début ! J’ai découvert « Ring » par internet et n’ai soumis qu’à eux mon manuscrit, estimant qu’il n’y avait que Ring pour le publier. Ça a marché. J’aimerai écrire autre chose que du polar, je verrai bien ! Je suis lent, et prend mon temps, sans pression. J’aime les romans américains où les histoires sont assez simples, mais bien racontées. Je dois avouer que je ne connais pas grand-chose au monde du polar ! J’apprécie Ellroy ou Lehane, mais j’avoue ne pas être un expert du genre. Si on me demandait si mon roman est un polar je répondrai que non, en fait « Les démoniaques » est un roman noir. Mon histoire est très sombre, sans réellement d’enquête. C’est également une histoire simple, basique, ce qui fait sa force. Avec « Les démoniaques » je n’ai pas écrit un polar, j’ai juste écrit un livre.


Choisir la campagne

Mattias Köping : Parce que cet environnement existe ! Cet environnement a une réalité et une épaisseur, et je le connais bien.

Laurent Malot : Le polar à un côté « grande ville » auquel je ne voulais pas participer. Mon Jura est un vrai personnage, pas banal. Le Jura étant une région que j’aime beaucoup. J’aime ses forets où l’on s’y perd, et la chaleur des jurassiens.

Mattias Köping : L’Eure, la région que j’aborde est le prolongement de mes personnages. Des personnages sales, dans une région qui l’est également. Je vous rassure, vous pouvez vous balader dans ma région, mais c’est un endroit qui est resté sauvage, ce à trois quart d’heure de Rouen. « Les démoniaques » me permets d’aborder la forêt, le milieu naturel des prédateurs. Son peuple est composé de chasseurs, mon gibier est aussi bien animal qu’humain. Ma propriété se nomme : « La Souille », ce qui est bien sûr une métaphore. « La Souille » c’est « la souillure », mais c’est également l’endroit où les sangliers se roulent.

Laurent Malot : Mon enquêteur se trouve confronté à des histoires de manipulation et de corruption, à la misère du monde, parfois en cols blancs. La nature, belle, avec sa neige, est ce qui permet à mon inspecteur de rester humain et vivant. La nature est un monde auquel il se raccroche. Mon inspecteur n’est pas un paysan, mais il aime la terre.


La « dégueulasserie » du monde

Laurent Malot : Mattias et moi racontons la même dégueulasserie du monde !

Mattias Köping : J’aborde le dernier échelon de la criminalité, le bas de la pyramide. « Les démoniaques » suit principalement un trafiquant international (l’albanais), l’ « Ours » et des consommateurs de drogues et de prostituées. Seul l’albanais est juste au-dessus du dernier échelon de la criminalité.

Mon roman, fortement documenté, parle également de petites villes où le trafic d’héroïne s’avère intense, ce qui est véridique. Je décris une réalité qui existe.

Laurent Malot : Je surfe quant à moi avec une réalité plausible. Le Jura est proche de la Suisse, il est permis de penser que la délinquance en cols blancs y existe.

Mattias Köping : « Les démoniaques » parle de l’importance de la prostitution dans les milieux que j’aborde, ce qui est purement fictif.

En ce qui concerne « la dégueulasserie » du monde, j’aborde la bestialité humaine. La première scène que j’ai écrite dans « Les démoniaques » est le vol du livre. La première scène que vous lirez dans mon bouquin a été écrite après. Mon histoire s’est constituée peu à peu, en me documentant j’ai compris ce vers quoi j’allais. J’écris sans plan, laissant le bouquin aller là où il va. Au fur et à mesure de l’avancée de mon écriture je savais que j’allais écrire une histoire violente, je me suis donc demandé comment j’allais écrire cette violence. J’ai choisi de parler de prostitution et de pédophilie, soit des choses très très dures. Ma réflexion m’a amenée à trois possibilités : premièrement, de ne pas parler de la violence, deuxièmement, l’aborder selon un modèle de série tv, c’est-à-dire de rentre supportable l’insupportable ou troisièmement de parler de l’insupportable d’une manière insupportable. J’ai choisi la troisième option, et certain lecteurs ne supportent pas la lecture de mon roman. Ma femme a lu mon premier chapitre et m’a rendu mon manuscrit en me disant qu’elle ne poursuivrait pas sa lecture. La lecture doit demeurer un plaisir. La vie est déjà assez compliquée comme ça ! Mon écriture est volontairement insupportable.

Témoignage de Romain Delvallée (Libraire à Humeurs Noires) : J’ai commencé à lire le livre de Mattias et l’ai refermé au bout de cinq pages ! Ce livre me semblait n’être qu’un « déballage » sur fond de pédopornographie. J’ai repris ma lecture, et est été happé par l’opus de Mattias. Avalant les trois quart du bouquin en une soirée. Il m’était impossible de le lâcher. La violence du livre est une violence nécessaire. Rien n’est gratuit chez Mattias. Le fond du livre de Mattias est l’histoire de la résurrection de deux personnes. La violence est le moteur qui les pousse à aller de l’avant.

Mattias Köping : Je n’ai voulu aucune identification possible avec les personnages qui commettent des atrocités. Mes salopards sont de vrais salopards, il n’est pas possible de les aimer. L’albanais a un passif, l’Ours est un jouisseur immédiat.


Raconter une histoire

Laurent Malot : Pour moi c’est raconter une enquête. On est dans le Jura, dans une petite ville. Il se trouve qu’il y a deux crimes, ce n’est pas souvent que de tels événements arrivent ! Surtout à dix jours d’intervalle. Mes flics n’ont d’abord pas trop de pistes, c’est lent. Je voulais raconter ces tâtonnements. Je voulais raconter les règles que doivent observer les flics dans leurs enquêtes. Les policiers ne suivent pas la piste qui les aidera à poursuivre leur enquête sans tâtonnement. La vie des flics, c’est surtout de la paperasse. Mon livre traduit une enquête accélérée, il y a plein de choses que les policiers ne font pas aussi facilement. Mes flics tirent un fil qui deviendra une corde en sachant pas sur quoi ils tirent. C’est également ça l’angoisse de l’enquête. L’enquête devient de plus en plus importante, elle leur fera tomber des choses sur la figure. Peu à peu mes flics se retrouveront menacés. Au départ par une secte. Comment arrivent-ils à se faire menacer par celle-ci ? Qui a-t-il derrière cette secte ? Ce n’est que petit à petit que les réponses arrivent. En France c’est le Juge qui mène l’enquête ! Les flics font ce que le Juge demande ! Ce qui prend du temps. Une enquête est une vraie galère. On n’est pas dans « Les Experts » ! Une recherche ADN, en urgence, prend 15 jours ! Ce n’est qu’après que le Juge peut décider de continuer l’enquête.

Mon écriture est issue d’un travail de recherche et de documentation, elle est également dictée par le plan que j’ai élaboré. Je peux m’écarter de celui-ci, mais mon plan m’aide à me structurer. Je ne veux pas faire du « Julie Lescaut », je veux que mon récit soit crédible. Pour répondre à cette crédibilité mon travail a été relu par une Juge d’instruction. La Juge de mon roman pourrait être ma correctrice. Je l’appelle au moins deux fois par semaine pour vérifier des détails techniques. Les flics ne peuvent fouiller là où ils veulent !

En deux mots mon livre suit deux crimes à priori sans liens, mais qui vont déboucher sur, peut-être, la culpabilité d’une secte. On sait que mes deux meurtres auraient été perpétrés par une femme blonde, à priori. Face à cela la femme de Gange, mon héros, à disparue six mois avant les événements, c’est ainsi qu’il doit seul élever sa fille. Cette femme ne serait-elle pas la tueuse de la secte ? Gange et un type malheureux ! Peut-il quelque chose dans son malheur ?


Des personnages

Mattias Köping : Mon « Ours » est bestial et n’est pas futé ! Il a l’instinct du chasseur. Kimy est, elle, intelligente. Sans avoir eu de l’instruction. Kimy est le seul personnage qui se détache des personnages que je décris dans mon livre. Mon bouquin est écrit d’une manière trash car il décrit des personnages brutaux. Leurs manières de voir le monde s’inscrit dans une jouissance immédiate.


Des femmes (absentent)

Mattias Köping : Il faut savoir que la mère de Kimy est morte ! Ce que je n’ai jamais indiqué au lecteur !

Laurent Malot : Gaëlle, la femme de Gange a disparue. Pourquoi ? La vie est faite de questions sans réponses. Ma Juge Harlant est un autre personnage féminin de mon livre, ainsi que mon personnage de journaliste. Le journaliste peut chercher là où il veut, et avoir de l’avance sur les enquêteurs.


Des dialogues

Mattias Köping : Je tiens à ce que mes dialogues sonnent vrais. Avec des fautes de syntaxe … Je tiens à ce que mon livre sonne vrai ! Retranscrire le parler de mes personnages colle à ce qu’ils sont ! Mes personnages sont simples. Mon histoire l’est également – linéaire. Mes personnages sont des vrais salauds, ils ne sont pas fous.

 

En conclusion

Olivier Vanderbecq : Avec « Les démoniaques », Mattias Köping nous offre un livre entre « Les démons de Jésus » et « True Romance », avec « L’abbaye blanche », Laurent, lui, nous offre un « Barnaby » à la française, très bien construit avec des personnages profonds et sincèrement attachants.

 

 

* Le 3 décembre 2016


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26/01/2017
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