Entretien avec Caryl Férey

Entretien avec Caryl Férey

Whooz : Caryl Férey
ON : Pourvu que ça brûle (Albin Michel, 2017)

Rencontre avec Caryl Férey

Rencontre autour de « Pourvu que ça brûle » (Albin Michel, 2017)

Caryl Férey est l‘une des plus grandes stars française du monde du polar. « Pourvu que ça brûle » (Albin Michel), son dernier livre, peut être compris comme un « making of » de son œuvre. Un livre où l’on découvre le parcours d’un véritable écrivain voyageur parcourant le monde pour nourrir ses romans. Nous avons eu le privilège de rencontrer Caryl Férey à l’occasion de la sortie de son dernier opus, un moment rare avec un révolté.

Très vifs remerciements aux éditions Albin Michel et en particulier à Stéphanie Nioche (Chargée de Promotion Auteurs et Relations Libraires), à Mathieu Barville (Chargé de programmation Action Culturelle (Région Nord et Est) Fnac Darty) et à Caryl Férey.


Qui êtes-vous, Caryl Férey ?

Caryl Férey : Comme je suis plusieurs à la fois, je peux vous faire 50 réponses ! Je suis un breton qui vient de la campagne (près de Rennes) et qui est sorti de sa campagne pour aller voir ailleurs ! Ce qui l’a amené à écrire.


Qui ais-je en face de moi ? Un punk, un écrivain-voyageur, un voyageur-écrivain, un journaliste, un homme en colère …

On peut dire que je suis un écrivain qui voyage. Journaliste, punk, homme en colère, tout ça ça va un petit peu ensemble. Si l’on s’intéresse au monde on s’aperçoit rapidement que celui-ci n’est pas super. Ma culture est plutôt rock, punk/rock, avec toute la colère de cette musique. Le journaliste, c’est s’intéresser à l’autre plutôt qu’à soi. Ou l’on voit le monde comme une autruche en restant dans son coin, ou l’on se coltine le réel. Je suis quelqu’un qui court dans tous les sens.


Vous êtes également quelqu’un qui doute

A partir du moment où tu créée quelque chose tu te mets à douter. Si tu ne doute pas de toi c’est que tu es un génie, et là tu pars dans des sphères qui sont absolument pas les miennes. Le doute fait partie du processus créatif. Mais ce n’est pas pour ça que je ne passerai pas à l’action. Le doute ne m’a jamais inhibé. Rien ne m’inhibe.


Enfin vous êtes un écrivain pour qui l’amitié est importante (notamment lors de vos repérages)

Complètement. Je ne me suffis pas à moi-même, en fait. La seule fois de ma vie où j’ai fait un voyage seul c’était en Nouvelle-Zélande, j’y avais des potes chez qui ça s’est mal passé. Quand tu fais des choses que tu ne peux pas partager, ça ne m’intéresse pas. J’ai partagé avec moi-même ! (on dira !). Si l’on est avec un ami, tout de suite ça fait une histoire à raconter aux autres. J’ai des amis depuis 30 ans et a priori je les aurai encore dans 30 ans si je suis encore là. Voyager avec eux ça fait une histoire, ça fait une petite aventure entre nous. L’amitié est un truc qui me porte depuis toujours, j’ai grandi en bande et je suis toujours plus ou moins en bande, j’aime partager les choses.


Que représente pour vous « Pourvu que ça brûle » ?

Plus qu’une autobiographie, c’est surtout une biographie de mes livres. Et de la littérature en général. Ce qui répond à des questions que me posent mes lecteurs. Il est intéressant pour eux de savoir comment se passe la genèse d’un livre.

« Pourvu que ça brûle » est une autobiographie qui parle des autres (de mes proches et des personnes que je rencontre et qui deviennent des personnages de mes livres). Mon récit passe par moi, je n’ai que ma vie, je ne vais pas en inventer une. Je pourrai inventer une autre autobiographie qui serait une autofiction, mais j’ai l’impression que ma vie est déjà une fiction en soi.


Quelle explication pouvez-vous apporter à votre titre, « Pourvu que ça brûle » ?

Bah, c’est mon tempérament. J’aime Brel, j’aime les Clash, qui ne sont pas des gens mous et froids, ce sont des gens qui sont intenses et chaleureux. C’est ce que j’aime dans la vie. Mes proches sont autour de ce créneau-là. Je ne suis pas un mec qui juge, un peu froid, en train de regarder les autres, pas du tout. Ce que j’aime dans la vie c’est n’importe quoi, pourvu que ça brûle, qu’il se passe quelque chose. Comme je suis à la fois athée et pressé (« hâté » dans tous les sens du terme !), je sais que la vie est ici, et que le temps passe pour tout le monde. Quand tu as 20 ans tu crois que t’es immortel, mais le temps passe et à 50 ans tu vois que David Bowie meurt et tu te dis « ah, merde, je vais mourir aussi, moi ». Donc il s’agit de vivre intensément car plus le temps passe plus l’on ressent l’urgence de vivre.


Avant de me parler de votre process d’écriture pour « Pourvu que ça brûle », pouvez-vous me rappeler quel est votre process d’écriture d’une manière générale ?

Pour aller vite il y a documentation pendant six mois, puis un voyage, une courte période de repérage, après j’écris pendant un an et demi / deux ans, je retourne pour une période de deux mois, je vais sur les lieux de mon roman et j’ai des rendez-vous avec des gens qui sont dans les lieux de mon roman dont l’esquisse est déjà sérieuse. Rentré j’écrirai un an de plus. Mes livres c’est trois ans d’écriture et six mois de recherches, en gros.


Votre process d’écriture a donc été différent pour « Pourvu que ça brûle »

Mon process était simple, je n’avais pas de documentation à constituer car « Pourvu que ça brûle » c’est ma vie ! J’ai construit mon livre de tête et à l’aide des témoignages de mes potes. Ils m’ont remis certains passages que j’avais oubliés. Mes potes ont été en quelque sorte des « porteurs d’eau ».

Je suis parti au départ sur une chronologie selon mon âge, ce fut la première version que j’ai montré à mon éditrice. Puis je lui ai dit que ce serait bien de faire des thèmes, mais cela faisait une confusion temporelle totale donc je suis revenu à une chronologie. Au départ j’avais également beaucoup plus débordé. Par exemple mon voyage en Jordanie faisait un chapitre entier. Mon éditrice m’a indiqué que ce chapitre ne donnait sur rien, que je n’avais pas fait de livre à partir de ce voyage … qu’il fallait que je condense ce chapitre (rigolo). Mes chapitres devaient avoir un aller et retour autour de la littérature et pas simplement des voyages. 

Lorsque je pars en Afrique du Sud … j’ai des contraintes liées au polar et liées à la doc, je ne peux pas faire de blagues ! Ellroy ne fait pas de blagues ! Là, je peux parler légèrement de choses graves. « Pourvu que ça brûle » fut pour moi un peu comme une récréation, dans le bon sens du terme


Vous venez de nous préciser que « Pourvu que ça brule » est « un aller et retour autour de la littérature et pas simplement des voyages ». Pouvez-vous nous parler de l’importance de l’écriture, et de l’importance des voyages dans votre vie ? (vaste question)  

J’ai commencé à écrire à 16 ans sur des cahiers Clairefontaine. De 16 à 20 ans j’ai écrit quelques 3 à 4000 pages et mon premier public c’est mes potes de l’époque. C’était eux les héros de mes histoires, enfin eux et moi. Des histoires entre « Mad Max » et « Le Seigneur des anneaux », un mélange de tout et n’importe quoi. Ca ne valait rien au niveau littéraire mais ce fut un super galop d’entrainement car au bout de 4000 pages tu sais que tu as du souffle. La page blanche, je connais pas.

Par la suite j’ai rasé des forêts de romans que j’ai envoyés à des maisons d’éditions qui me les renvoyaient aussi sec. C’était plutôt des histoires d’amour qui finissaient mal. Je suis venu au polar vers 25/27 ans. Mes écrits à 20 ans n’étaient pas « politiques ». C’est en lisant Ellroy ou Le Che que je me suis occupé de politique. Mon processus fut lent, c’est en découvrant la Nouvelle Zélande et l’Afrique du Sud que les choses sont devenues plus politique. C’est l’avantage de vieillir ! (normalement on est moins bête). Avec l’âge tu relie les choses entre elles et tu t’aperçois que le monde est complexe, et donc intéressant.


De l’importance des voyages

Voyager c’est voir d’autres façons de penser le monde. Mes voyages alimentent mes histoires. J’ai gardé de ma jeunesse une empathie pour les gens oppressés. Mes romans policiers sont des enquêtes de terrain. Ecrire me permet, par exemple, (pour « Condor ») de parler des femmes argentines dont les fils ont été enlevés, et dont elles ne peuvent faire le deuil, faute de corps. Mes rencontres sont les héros de mes histoires. C’est surtout les personnages que je travaille. Le fond de mon histoire sera social et politique. Mes lecteurs apprendront des choses sous couvert de la fiction.

« Pourvu que ça brûle » raconte mes voyages mais n’est pas un livre de récit de voyage traditionnel. J’y raconte mes voyages d’une manière un peu romanesque car c’est comme ça que je pense le monde. Le romanesque est une façon de raconter les choses. J’adore raconter et qu’on me raconte des histoires. C’est un moyen d’intéresser les gens (avec des personnages universels).


Caryl Férey, nous avons parlé d’écriture, de voyage et d’amitié. Dans « Pourvu que ça brûle » vous surnommez vos amis, quelles ont été leurs réactions ?

Quand je parle de « La Bête », et que je dis que c’est un « sex-addict », heureusement que je n’ai pas donné son nom et son adresse ! (rire). Au-delà de ça dans le fait de décrire ses amis en deux mots est un hommage aux indiens. Chacun peut d’ailleurs le faire. Tout le monde trouvera un sobriquet, une caricature pour désigner ce qui l’entoure. Si j’avais appelé mes amis « Pierre » ou « Paul » le lecteur les aurait retrouvés sans surprise, quand je parle de « La Bête », le lecteur sait qu’il va se passer quelque chose. « Pourvu que ça brûle » n’est pas un roman mais ses personnages apportent un côté romanesque au récit. Quand j’amène mes personnages je sais qu’il va se passer quelque chose. Dans mon livre, et dans notre petite aventure.


D’une manière anecdotique quel serait votre nom si vous deviez vous baptiser vous-même ?

Mes potes m’appellent « Koala grimpant » car je suis toujours accroché à eux. Si je devais trouver mon qualificatif ce serait : « Renard bondissant », ce qui me correspond plus.


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Quels sont vos projets, Caryl Férey ?

Je pars la semaine prochaine en Colombie.

Je suis en train de finir « Plus jamais seul », un livre qui parle des réfugiés. Un livre qui commence en Bretagne et qui se termine dans les iles grecques (un livre franco-européen). Ce livre fera partie de la série « Mc Cash », l’avatar de « La Bête » ? J’espère le finir avant de partir pour la Colombie.

Je vais partir en Colombie me vider la tête ! Tu fini un livre, tu es concentré sur ce livre-là mais en regardant la Colombie ! Je suis sur la doc colombienne depuis un petit moment déjà – chaque matin. En abordant mon dernier livre l’après-midi. Je suis un peu schizophrène, mais c’est souvent un peu comme ça, quoi !

Là, mon voyage en Colombie c’est mon premier voyage, celui de repérage. Je connais ma doc, j’y vais trois semaines, je commence à connaitre les FARC … Ce qui devrait me plaire, en fait. Quand je rentre je serai parti pour écrire sauf que j’ai accepté un truc qui va me couper de l’écriture sur la Colombie, je pars pour la Sibérie du Nord accompagné de « La Bête » ! Je vais partir pour le bled le plus pourri du monde, un bled tenu par les oligarques Russes – sauvages. Ce n’est pas pour un roman mais pour un récit de voyage dans le bled le plus pourri du monde. J’y vais la première semaine d’avril pour un bouquin à écrire avant l’été.



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07/03/2017
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