L’évangile des ténèbres de Jean-Luc Bizien

L’évangile des ténèbres de Jean-Luc Bizien

Whooz : Jean-Luc Bizien
ON : L’évangile des ténèbres – Toucan Noir, 2010 – Toucan, 2011 (Poche)

L’évangile des ténèbres
de Jean-Luc Bizien

Chronique d’Eppy Fanny

Je me suis plongée dans ces ténèbres avec délectation car le talent de Jean-Luc Bizien les a illuminées du début à la fin du roman.

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L’évangile des ténèbres

L’histoire

Celle de Seth Ballahan, rédacteur en chef d’un quotidien américain, qui face à l’absence de réaction de sa hiérarchie, va partir en Corée du Nord pour tenter de secourir un de ses jeunes collaborateurs, Mickaël, piégé sur place. En espérant qu’il ne soit pas trop tard. Cette quête c’est comme une rédemption : il doit sauver ce gamin, lui qui n’a pas été capable d’en offrir un à sa femme.

C’est également l’histoire du Lieutenant Paik Dong-Soo, un brillant militaire nord-coréen, chargé d’enquêter, en toute discrétion, sur des meurtres sanglants. La dictature en place ne peut pas laisser fuiter cette déviance au grand jour, elle qui fait disparaître tout ce qui n’est pas conforme à son idéologie. La nation est grande, la nation est puissante, tous les nord-coréens sont volontaires, solidaires, en bonne santé et ne manquent de rien. Point. Endoctrinés depuis l’enfance, ils avancent tête baissée. Car toute tentative de rébellion est durement sanctionnée.

Oui mais voilà, la propagande est une chose et la réalité une autre.

Des camps de concentration existent, où les gens, hors normes pour le régime : déficients mentaux et handicapés (avec leur famille), personnes « difformes » dont les nains, sont internés et cachés aux yeux de tous. Puis il y a les camps où sont détenus les opposants au régime. Les détenus y sont condamnés aux travaux forcés quels que soient le temps et la température et ils y sont à peine nourris. Et quel que soit le type de camp, les gardes peuvent faire ce qu’ils veulent aux prisonniers. En toute impunité.

Et c’est dans un de ces camps, dit section 49, que Mickaël a atterri. Il est vivant grâce à l’aide d’un monstre et d’un ange. Mais pour combien de temps ?

Seth va découvrir la réalité de ce pays et ses convictions vont voler en éclats. Lui qui en veut à tous les bridés suite à la guerre qui les ont opposés aux Etats Unis. Guerre qui a failli avoir la peau de son grand-père. Lui, la grande gueule bourrée de certitudes, le cow-boy, va devoir revoir ses opinions. Il va se faire passer pour un Canadien, car aucun américain n’est toléré en Corée du Nord. Suzan Chartier, une Canadienne qui travaille pour une ONG et est parfaitement intégrée, va l’aider au mieux dans sa   mission. Tâche compliquée par les « nounous » qui ne les lâchent pas d’une semelle et gèrent leurs déplacements.

Cette mission de sauvetage va les conduire aux portes de l’enfer où les ailes de la faucheuse vont les frôler dangereusement.

De son côté, Paik Dong-Soo va de découvertes macabres en découvertes macabres et poursuit ce tueur insatiable, cette ombre, ce chasseur, qui désormais, après avoir tué au hasard des paysans et des citoyens lambda, de tous âges et tous sexes, s’en prend à des militaires hauts gradés. Qui est ce tueur qui éparpille des morceaux de corps comme l’on jette des dés. Quel jeu joue-t-il ? Quelle est sa motivation ?

Et au final qui chasse qui ? Ce que va découvrir Paik est effarant : Extrait P.196 : « Si la nouvelle n’était pas aussi démente, Paik Dong-Soo se serait dépêché d’en rire – avant d’en pleurer. Mais la vérité était à la fois grotesque et terrifiante. Il fallait la dissimuler. Coûte que coûte. »

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L’avis d’Eppy

Je salue ici le travail de recherches et de documentation réalisé par l’auteur qui donne une cohérence et une force incroyable à ce récit. Et que dire de la qualité de l’écriture et du récit ? Puis il y a ces clins d’œil musicaux, en particulier au Boss. Des mélodies qui ont accompagnées ma lecture.

Pour ma part, ce roman est un de mes coups de cœur de ce début d’année. J’aurais volontiers fait l’école buissonnière pour le terminer plus vite.

Merci Jean-Luc pour ce livre et tout ce que j’ai appris sur ce régime ; ce qui m’a amené à faire des recherches complémentaires. Et comme j’aime lorsque un récit m’entraîne plus loin que la dernière page et le mot fin.

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Recherches personnelles en compléments de mon retour de lecture

· La famine en Corée du Nord a commencé au début des années 1990, avec un pic de mortalité en 1997. Les estimations du nombre de victimes vont de 1,5 million à 3,5 millions de morts de faim ou de maladies liées à la famine, sur une population de 22 millions d'habitants. Toutefois, l'absence d'information ne permet pas d'affirmer la nature exacte de cette famine. L'absence de communication des autorités peut cacher un bilan minimal ou une hécatombe. La réalité des estimations importantes mises en avant par des ONG présentes sur place est remise en question.

· L'Institut pour l'unification nationale (KINU), un organisme public sud-coréen, affirme dans son Livre Blanc l'existence de plusieurs cas de cannibalisme. Cependant, l'importance du cannibalisme est à relativiser pour les années 2000, il s'agit de cas isolés, parmi les 230 expatriés interrogés, seuls une dizaine ont mentionné des pratiques cannibales

Article paru dans le Parisien en 2014 : Corée du Nord : l'effrayant témoignage d'un garde des camps de prisonniers :  

« Il y avait trois chiens et ils ont tué cinq enfants » témoigne, à Genève (Suisse), AhnMyong-Chol, garde pendant huit ans dans les camps de prisonniers de Corée du Nord où l'horreur se décline au quotidien.

« Echappant à leurs maîtres, les chiens se sont jetés sur des enfants qui revenaient de l'école du camp. Ils en ont tué immédiatement trois, les deux autres enfants respiraient à peine et ont été enterrés vivants par les gardes», a-t-il dit via un interprète. Le lendemain, au lieu de liquider les chiens, les gardes les ont cajolés et « récompensés avec de la nourriture spéciale », ajoute Ahn avec un signe de dégoût.

Ce Nord-Coréen a témoigné à Genève lors d'une conférence des défenseurs des droits de l'homme, avant que le Conseil des droits de l'Homme des Nations Unies examine en mars un rapport accablant sur les violations de ces droits par Pyongyang. Ahn, réfugié en Corée du Sud, est un des témoins auditionnés par la Commission d'enquête de l'ONU qui a dénoncé dans ce rapport diffusé la semaine dernière des « crimes contre l'humanité » et a appelé la communauté internationale à réagir. La Commission estime notamment que « des centaines de milliers de prisonniers politiques ont péri dans des camps pendant les 50 dernières années », « graduellement éliminés par des famines délibérées, le travail forcé, les exécutions, la torture, les viols.»

« Les gens dans les camps ne sont pas traités comme des humains. Ils sont comme des mouches que l'on peut écraser », affirme Ahn, qui a fui la Corée du Nord en 1994.

 


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L'évangile des ténébres par Eppy Fanny

Et puis mourir par Bruno Delaroque


Pour aller plus loin


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22/06/2019
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