Surface d'Olivier Norek

Surface d'Olivier Norek

Whooz : Olivier Norek
ON : Surface – Michel Lafon, 2018

Surface d'Olivier Norek

Chronique de Bruno D

Après « Entre deux mondes » (Michel Lafon, 2017), j’avais quitté Olivier Norek un peu dubitatif, considérant que cet opus n'était pas du même calibre que sa formidable trilogie Victor Coste (« Code 93 », « Territoires » et « Surtensions », respectivement paru chez Michel Lafon en 2013, 2014 et 2016). Avec « Surface » j'étais curieux de retrouver cet ex-flic devenu romancier, et de voir ce qu'il allait nous proposer, vers quelle direction, récit ou style il allait s'orienter. « Surface » est pour moi une bonne surprise. Son atout principal est qu'il nous donne à suivre le parcours d'une héroïne au caractère bien trempé, capitaine de police aux stups à qui tout réussi et qui mène de front vie professionnelle et vie amoureuse, Noémie Chastain.

« Surface » est un retour vers le polar sans fioriture, direct, froid et pragmatique, la signature Norek qui m'avait emballé sur ses trois premiers romans. Mais c'est surtout un superbe scénario où Olivier Norek, une fois de plus très humaniste (ça aussi, c'est sa signature), nous parle de son métier à travers une Noémie Chastain en première ligne, exposée, explosée, touchée et touchante. Qu'il nous évoque les risques d'un job où tout peut s'effondrer sur une intervention, sur un coup de malchance, parce qu'on est au mauvais endroit, au mauvais moment, et que l'on tombe sur la mauvaise personne. Un job où entre douleurs profondes et lâcheté d'une direction, il faut bien se reconstruire.

« Surface » aborde le traumatisme profond des soldats ou force de l'ordre touchés dans leur chair au combat, en accomplissant leur mission. Retrouver sa vie d'avant, reprendre une vie normale, un doux euphémisme dans la plupart des cas avec une direction qui préfère jeter au pire, envoyer sur une voie de garage au mieux, pour oublier, ne plus voir, et se débarrasser de ces gueules cassées.

Hommages appuyés aux psy et médecins, ceux qui bossent dans l'ombre pour une reconstruction à tous les niveaux. Cette humanité et ce regard juste d'Olivier Norek sur ces hommes et femmes brisés, est un peu dans la continuité d' « entre deux monde ». Cette fois-ci, il nous offre un mix très réussi entre sa trilogie Coste et « entre deux monde », son cri du cœur de la Jungle de Calais, où l'on pouvait tuer sans que ça dérange plus que cela.

En opération, Noémie Chastain, se prend une balle en pleine tête et en sort défigurée. Brillant élément, elle devient un être dont plus personne ne veut, ni sa hiérarchie, ni son petit ami, chef de groupe par ailleurs. En une cinquantaine de page, Olivier Norek la fait ainsi mourir une seconde fois. On souffre pour et avec Noémie, impatient de savoir comment elle va se relever, car ça, le lecteur ne peut en douter, le capitaine Chastain reviendra plus forte que jamais.

Noémie Chastain sera ainsi envoyée au fin fond de la campagne aveyronnaise, par une direction faux cul 100%, et va découvrir une autre vie, un autre monde, là aussi. Une ruralité profonde, bien loin du microcosme parisien et de l'agitation de la capitale. Une mission spéciale, pas évidente, lui est confiée : une mise au vert pernicieuse, une enquête pour justifier la fermeture du commissariat d'Avalone alors que les locaux croient plutôt à l'envoi d'un renfort.

Une belle image de la complexité de l'état qui ferme de plus en plus ses structures de proximité sur tout le territoire. Au nom de quoi ?

« Surface » est tout sauf une ballade de santé en Aveyron. Un corps remonté des profondeurs du lac va relancer une vieille affaire, sorte de cold case, et ramener ainsi à la « Surface » des pans de vies oubliés ou disparus.

Opposition entre la fausse douceur d'une campagne qui peut être aussi violente avec ses vieilles rancœurs et ses secrets enfouis, et la ville polluée, tentaculaire et dangereuse ; c'est un contraste finement étudié que propose Olivier Norek. Ici, on peut laisser ses portières ou sa maison ouverte, mais on peut également vous pousser dans un ravin ! Avec ses mots justes, sans fioriture, le romancier sait décrire parfaitement ces univers opposés et nous emmener là où il veut, avec une force au service de l'histoire et de ses protagonistes. Apprivoiser le relatif calme de la cambrousse est un challenge pour notre fliquette au visage et à l'ego traumatisé, et elle ne se doute pas un seul instant que ce trou du cul du monde qu'on lui impose, va lui servir de tremplin, de salut pour une nouvelle vie.

J'ai bien aimé cette nouvelle femme flic en pleine tempête, déboussolée surtout par son regard et celui des autres après son drame. C'est ça que j'avais aimé chez Olivier Norek dans ses précédents ouvrages ; la vie crue et réaliste de son équipe d'enquêteurs.

Avec « Surface », le romancier revient d'une certaine façon à un vrai polar, une vraie enquête au fond sociétal et humaniste. « Entre deux mondes » est passé par là et ce cinquième opus lui donne l'occasion de nous ouvrir les yeux sur la réalité du flic en prise directe avec son métier et une hiérarchie loin d'être à la hauteur. Entre mondialisation destructrice et une ruralité démunie, ce roman se dévore facilement et nous interpelle sur bien des points. 

En retournant au polar pur Olivier Norek nous séduit à nouveau avec ce qu'il sait faire de mieux, tout en glissant ici et là des regards justes sur l'évolution où la déliquescence de notre société. Ville ou campagne, on découvre les mêmes travers, la même cupidité, dès que l'on creuse un peu sous la « Surface » !

J'ose espérer que l'on retrouvera le personnage de Noémie Chastain dans d'autres aventures, il me semble qu'il y a matière à poursuivre une belle aventure si bien commencée. Bravo à Olivier Norek, je n'ai pas regretté mon investissement de 19,90€ qui est un prix très correct pour un grand format proposé dans une belle édition.

 

Pour aller plus loin sur WHOOZONE.COM

Entre deux mondes vu par Bruno

Entre deux mondes vu par Eppy Fanny

 

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19/09/2019
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