Les naufrages hurleurs de Christian Carayon

Whooz : Christian Carayon
ON : Les naufrages hurleurs – Fleuve Noir, 2020

Les naufrages hurleurs
de Christian Carayon

Chronique de Bruno Delaroque

« Il y en avait pour croire que l'année 1925 serait la dernière du monde tel qu'on le connaissait » peut-on lire dès le prologue. Voilà qui résume à merveille l'atmosphère du quatrième opus de Christian Carayon dont le personnage principal Martial de la Boissière rappelle par bien des aspects le fameux détective belge d'Agatha Christie, Hercule Poirot. Il est particulièrement futé, intelligent, cultivé et qualité rare, il est capable d'évoluer parmi les cercles privés cossus et raffinés ainsi que les milieux d'affaires en toute discrétion.

Martial vit dans son manoir, à l'écart de la société et il ne sort que pour assister aux réunions du cercle Cardan auquel il prête ses talents d'enquêteur. Pas de soucis d'argent mais sa vie privée est pour ainsi  dire compliquée et ses amis peu nombreux.

Sans vouloir dévoiler les dessous de cette intrigue, je peux vous dire que Christian Carayon, découvert et apprécié avec « Torrents » (Fleuve Editions 2016), nous emmène dans une histoire bien mystérieuse au cœur de l'île de Bréhat et autour de la famille Lestage. Disparitions, meurtres, faux semblants dans une Bretagne aux paysages sauvages et sublimes, terre de légende et de croyance, c'est ce que vous trouverez dans ce récit bien mené aux personnages pittoresques. Vous ferez connaissance avec la famille Lestage dirigée d'une poigne de fer par un notaire patriarche, et vous rencontrerez aussi une atmosphère de fin du monde lorsque les éléments se déchaînent. Les ingrédients sont réunis pour un excellent canevas.

Le rythme assez lent contribue à renforcer l'ambiance particulière de fin du monde et d'isolement que l'on peut rencontrer sur une petite île coupée du monde par gros temps. La Bretagne prend ici une dimension majestueuse et devient même un personnage à part entière.

Tensions, mystères et secrets de famille achèvent de donner à ce scénario tout son liant, où notre Martial en pleine tempête personnelle, doit affronter une tempête réelle d'un tout autre genre. L'auteur donne une fort belle description de cette année 1925 pendant laquelle il situe son histoire où fiction et réalité se mêlent pour notre plus grand plaisir. 

Promenade sur la lande humide, avertissement des dangers de la mer, cupidité que confère la puissance de l'argent, on explore plein d'univers et on sent de plus en plus le souffle puissant de la nature et l'air iodé au fur et à mesure que le mystère s'épaissit. Martial venu éclaircir la mort de son ami va devoir faire travailler ses petites cellules grises pour comprendre les dessous de cette histoire bien alambiquée.

Cette fois-ci encore, l'auteur crée un environnement propice pour faire évoluer ses protagonistes. J'ai trouvé beaucoup d'analogies avec certains écrits de la reine Aghata Christie aussi bien par l'époque que par les héros. Christian Carayon réussit à nous replonger dans les années 20-30, ce qui n'est jamais facile.

« Les naufrages hurleurs » change des crimes ou tueurs en série forts à la mode depuis quelques années et c'est très rafraîchissant de découvrir autre chose, un autre style, une autre histoire.

Christian Carayon est assurément quelqu'un à suivre, parce qu'avec ce dernier ouvrage, il prouve comme dans « Torrents » en 2016, que l'univers du Polar peut être très large et bien différent quand on apporte des synopsis originaux et bien travaillés. C'est un plaisir une fois de plus et je remercie vivement les éditions Fleuve noir pour cette bien belle découverte.

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