Deux balles de Gérard Lucas

Deux balles de Gérard Lucas

Whooz : Gérard Lecas
ON : Deux balles – Jigal Polar, 2020

Deux balles de Gérard Lucas

Chronique de Bruno Delaroque

Ce roman commence brutalement avec une plongée au cœur du conflit afghan en 2013, et il se poursuit avec un bruit lancinant et strident comme une clé ou une pointe acérée qui raye une carrosserie de voiture sur toute sa longueur.

C'est la vie de deux frères d'armes français, Vincent et Willy, envoyés en Afghanistan pour faire la sale boulot. Horreurs de la guerre, crues et brutales ; on part en mission, on arrive sur place, et puis d'un seul coup, on est mort ou handicapé !

Deux balles de kalachs pour cueillir ou détruire une vie, une pièce de deux balles lancée pour jouer à pile ou face, et décider du sens d'une vie. Mauvais Karma ou mauvaise pioche, la vie ou ce qu'il va en rester tout simplement.

Idiotie d'un conflit qui n'est pas le nôtre : « Tout ça pour en arriver là » peut-on lire page 13, et perte des repères une fois rentrés à la maison. Pour certains le martyre continue et entre anxiolytiques ou rééducations, Willy et Vincent ne sont plus que des ombres et des morts en sursis.

Le retour dans la famille peut être compliqué, surtout pour Vincent qui découvre que ses frères ont grandi et pas forcément pris le bon chemin avec la bénédiction d'un père, tenancier d'un hôtel miteux, plus borgne que trois étoiles, et qui héberge maintenant des migrants.

Enfin héberger est un bien grand mot, entassement serait plus adéquat.

Vincent et Willy avait pour projet d'acheter un food-truck et sillonner la côte pendant l'été. Ils en sont loin pour l'instant, et surtout loin de se douter qu'une nouvelle vie ne s'achète pas comme ça.

Syndrome post-traumatique profond, et fuite en avant, c'est surtout ça qui les attend. Retrouver Hamid, l'interprète afghan logé à l'hôtel du père, n'offrira que bien peu de réconfort. Parce que le mal est là, au cœur des esprits et de la douleur, au cœur de ces hommes qui prospèrent sur les crises migratoires. Partout où la misère s'installe, il y a toujours des prédateurs et des gens prêts à se faire du fric les uns sur les autres.

Humanité puante et dégradante, Gérard Lecas démonte et démontre bien les rouages putrides des laissés pour compte, exilés en errance croyant fuir l'enfer pour l'eldorado. Quelques traces de réconfort quand même avec les beaux yeux de Leila ou les courbes voluptueuses de Samira ; et un soleil de plomb marseillais, comme pour rappeler que l'Afghanistan est toujours là.

Les vrais frères ne sont pas forcément les frères de sang et Vincent agit surtout en réactions aux événements plus que par choix mûrement réfléchi. C'est une dérobade en avant permanente à l'issue plus qu'incertaine qui laisse bien peu d'espoir.

Quel magnifique récit, court et crispant pour nos héros, mais écrit avec force, détermination et des mots qui sonnent justes.

Ce n'est pas un énième récit sur le retour d'Afghanistan, c'est une histoire sombre d'hommes, de frères, et de vies qui filent et se défilent pour les uns comme pour les autres.

 

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25/05/2020
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