Une assemblée de chacals de S. Craig Zahler

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Une assemblée de chacals
de S. Craig Zahler

Chronique de Bruno Delaroque

En 1888 dans un saloon, une rencontre improbable entre un jeune couple de l'Arizona marié depuis trois semaines et deux hommes, jumeaux apparemment, deux méchants sales et puants, deux brutes épaisses comme seul l'Ouest américain peut en fabriquer.

Respirer le même air qu'eux peut être létal; ça donne le ton et on sent que S Craig Zahler et son assemblée de chacals va nous faire bouffer de la poussière et nous retourner l'estomac.

Puis changement de décor, chez les frères Danford, Oswell et Godfrey, des ranchers dans la quarantaine bien mure ; un télégramme arrive, invitation à un mariage dans le Montana, celui d'une vieille connaissance qu'ils pensaient oublier définitivement et ne jamais revoir. Un passé puissamment enfoui vient de ressurgir dans la vie des deux frangins.

Au même moment à New York, Richard Sterling alias Dicky reçoit le même télégramme, la même invitation.

Ambiance pesante et résignation ; on est toujours rattrapé par ses actes un jour ou l'autre. Une invitation à un mariage où l'on se déplace lourdement armés, que peuvent donc avoir en commun ces hommes vieillissants pour se retrouver à nouveau ? A l'heure où les vautours et les croques morts guettent leurs prochaines proies ou clients, la rédemption serait-elle au menu ?

Il suffit d'avancer dans la lecture de cette « Assemblée de chacals » pour comprendre ce qui s’est passé. Rencontre avec un diable nommé « Quinlam », chevauchée fantastique, horde sauvage, la plume acérée de S. Craig Zahler fait de nous des acteurs sidérés devant leurs actes. On est au cinéma et on entend encore résonner les cris, les âmes se disloquer et la nuit noire envahir à jamais des esprits marqués à vie. Le goût cuivré du sang qui tapisse les pages de ce récit se répand. Les Appanuqis sauvages indiens, cannibales et lie de l'humanité, tombent sur leurs maîtres blancs, bien pires encore !

En plein cœur du Montana le mariage doit être célébré dans la ville de Trailspur. Tout le monde doit s'y retrouver, y compris ceux qui ne sont pas invités. Préparation des festivités, mais également de la réception des personnes non désirées, on sent la tension monter dans cette petite ville. Les frères Danford, Dicky et le marié se préparent à toute éventualité et organise une réception spécifiques pour les indésirables.

Sur la quatrième de couverture on peut lire : « une histoire qui va à cent à l'heure et qui vous emporte dès la première page ». Il y a quand même pour moi un creux au cœur de ce roman ou entre atermoiements et vie locale, ça traine ! Le calme avant la tempête ?

En revanche, comment parler de cette fin, soit un bon tiers du scénario ? Oubliez ce que vous avez déjà vu ou lu. Oubliez toute forme d'humanité, oubliez la morale et commencez à prier pour votre survie. Oubliez vos illusions et votre envie de bonheur. Le décor est planté dans cette petite ville du Montana et sa jolie église, bétail et chiens coyotes, poussière et soleil, le Far Ouest de Trailspur est un sublime cadre, mais plus pour longtemps !

Tarantino n'a qu'à bien se tenir. Supplice, cruauté, folie déjantée, rien ne vous sera épargné. C'est un feu d'artifice de violence aux raffinements variés. Magnifié par une écriture au cordeau, on assiste à un affrontement jubilatoire pour personnes au cœur bien accroché. Galerie des horreurs et perversions ultimes, cette fin est dantesque, tordue, sanguinolente et sans espoir.

Des hommes courageux pour protéger la vie, des barbares timbrés guidés par une soif de vengeance au-delà de ce que l'on peut imaginer, donnent à ce final un sentiment d’écœurement et de noirceur pour plusieurs décennies à venir.

C'est le Far Ouest exacerbé par la poussière, par les hommes dans ce qu'ils ont de plus mauvais. Les colts parlent dans un linceul de vie qui s'enfuit. Pas question de rédemption, il faut payer la note, on se reprend toujours le passé en pleine gueule, on n'échappe pas à son destin !

Brutal et chirurgical, « Une assemblée de chacals » est un grand roman publié chez Gallmeister à ne pas mettre entre toutes les mains. J'ai adoré !


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