Une héroïne stupéfiante de Didier Esposito

Une héroïne stupéfiante de Didier Esposito

Whooz : Didier Esposito
ON : Une héroïne stupéfiante – Editions du Caïman, 2022

Poudre blanche chez les Verts

Une héroïne stupéfiante de Didier Esposito

Chronique de Bruno Delaroque

Quelquefois l'envie de lire un livre tient à peu de chose. Un auteur que l'on suit, une couverture qui vous tape dans l'œil ou ici, un titre particulièrement réussi. « Une héroïne stupéfiante » avec son jeu de mot et sa signification à plusieurs niveaux m'a tout de suite interpellé.

Découvrir un nouvel auteur et partir à la découverte des Editions du Caïman, finalement cela n'est que du bonheur. J'en profite d'ailleurs pour remercier Jean-Louis Nogaro pour sa réactivité.

Région stéphanoise, on fait la connaissance du groupe stups sous les ordres du commandant Moulin. Un chapitre, et on se dit déjà que l'écrivain a du style, une patte, avec ses descriptions tant des rues que du commissariat vieillissant.

« Entre odeurs du monde citadin…et les boucheries hallal et les bazars s'étaient greffés aux bars et tabacs historiques » ; c'est un regard juste sur des quartiers en pleine métamorphose et changeant de population que nous décrit Didier Esposito. Lucide et sans concession, on embrasse vite la misère du monde. Un jeune homme de 20-25 ans décédé visiblement d'une overdose complète le triste tableau et vient lancer l'enquête.

On assiste au fonctionnement d'un service de police, ici les stups, à travers les yeux d'une jeune élève gardien de la paix, Sarah. Procédures carrées, règlements, on est sûr ici qu'on est proche de la vérité ; pas d’esbroufe ou d'invention, ça sent le vécu. Bienvenus à tous in the Réal Life, bien loin des experts à Pétaouchnok de la téloche. Ici on bosse à l'ancienne, sérieusement, et on fait avec les moyens du bord.

Le monde de la rue, de la dope, des camés, des paumés, c'est une faune de gens largués et accros à diverses substances que pointe du doigt l'auteur. Saint-Etienne et sa fameuse couleur verte, exit ; c’est plutôt une version en mode crasse et zombies que nous livre le romancier. C'est comme si les artères de la ville étaient rongées de l’intérieur par des individus dont la seule préoccupation de leur journée est de trouver « la » dose. C'est un tableau très noir d'un mal profond que l'on peut retrouver dans chaque ville française aujourd'hui. Abondance de tiques bien installées à pomper l'âme et le fric d'êtres conquis et soumis comme des marionnettes avec lesquels les dealers comme Mourad jouent et prospèrent.

Le système judiciaire est ici analysé, passé au crible. Police, avocats, juges, tribunaux, chaque maillon porte sa croix avec ses coupes budgétaires et restrictions en tous genres. Un système à bout de souffle et de considération qui fonctionne encore grâce à la foi de tous ses intervenants, mais pour combien de temps ?

L'auteur appuie là où ça fait mal ; une sombre autopsie très réaliste du système, en même temps que l'autopsie du camé ; ça découpe et analyse à plusieurs niveaux, mais avec un seul et même constat : tout est moche et pourri !

A travers David Cartier, Didier Esposito met en lumière ces flics des stups confrontés à une noirceur insondable. Leur travail c'est leur raison d'être et d'exister. Ils pensent boulot et affaires H24, et leur vie de famille est un parcours d'obstacles chaotiques au gré des investigations à toute heure du jour et de la nuit. Leur compagnon ou mari ou femme doivent accepter beaucoup pour que le couple n'explose pas.

Et pendant ce temps-là, les toxs tombent comme des mouches avec une nouvelle drogue qui fait des ravages.

Entre désillusions et regrets de ne pouvoir rien faire ou d'arriver trop tard, nos flics sont désabusés. La came détruit, ça on le sait, mais Didier Esposito, tout comme Ghislain Gilberti, nous montre les rouages, les réseaux, les engrenages, et la puissance dévastatrice de la poudre blanche qui fait tourner bien des têtes et provoque toute sorte de vocation.

Les enquêteurs que l'on suit sont attachants, pugnaces et cette enquête laissera des traces bien pires que quelques lignes de poudre. Le titre est particulièrement bien choisi et je vous recommande chaudement cette « Héroïne stupéfiante » de Didier Esposito. Nous avons pour une fois un titre qui colle parfaitement à l'histoire et c'est un coup de cœur Whoozone pour cette première incursion aux éditions du Caïman. Bravo Messieurs !


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15/11/2022
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