
Jamais contente vu par E Deleuze et M Desplechin

Whooz : Jamais contente
ON : Au Cinéma le 11 janvier 2017
Jamais contente vu par ses auteures
Jamais contente vu par Emilie Deleuze, sa réalisatrice et par Marie Desplechin, auteure du « Journal d’Aurore » (3 tomes), dont « Jamais contente » est l’adaptation
Dixit Emilie Deleuze : « Cette projection c’est l’avant-première des avant-premières du film. Il n’a jamais été diffusé qu’en festivals ». Les lillois ont eu le privilège de découvrir le dernier film d’Emilie Deleuze le 10 octobre dernier … Découvrez celui-ci dès ce 11 janvier.
Argument. Mon père est atroce, ma mère est atroce, mes sœurs aussi, et moi je suis la pire de tous. En plus, je m’appelle Aurore. Les profs me haïssent, j’avais une copine mais j’en ai plus, et mes parents rêvent de m’expédier en pension pour se débarrasser de moi. Je pourrais me réfugier dans mon groupe de rock, si seulement ils ne voulaient pas m’obliger à chanter devant des gens. A ce point-là de détestation, on devrait me filer une médaille. Franchement, quelle fille de treize ans est aussi atrocement malheureuse que moi ?
L’origine d’un projet
Emilie Deleuze : Ce film est ce qu’on appelle « une commande » de la part de producteurs qui voulaient une adaptation du roman de Marie. J’en ai lu la force de l’écriture et j’ai immédiatement voulu tourner cette adaptation.
L’enjeu du scénario
Emilie Deleuze : Je voulais retranscrire ce que dit Marie à travers son personnage d’Aurore qui est un peu ce qu’est être une adolescente. Je comprends (pour être mère, Marie l’est également) que la difficulté pour les adolescents c’est d’arriver à un âge où leurs corps peut les définir comme des adultes mais qu’en même temps que l’école ou des personnages comme moi ou d’autres représentants de la société n’ont de cesse de leur dire de rester enfants ! Cette absurdité, ou se paradoxe, appelons-le comme on veut, s’appelle l’adolescence et peut rendre fou. Ce que j’ai aimé chez Marie c’est qu’elle épouse les points de vue d’Aurore et de ses parents. Ce fut aussi pour moi agréable était de faire ce film qui ne m’appartenait pas car il m’a permis de me poser que des questions de cinéma. Je pouvais me cacher derrière une histoire qui a priori n’était pas la mienne.
Marie Desplechin : J’étais heureuse que l’adaptation soit signée par Emilie car j’ai vu de nombreux films d’adolescents dont l’adaptation était trop littérale et qui manquaient d’investissement cinématographiques. Des traductions « en vignettes ». L’adaptation d’Emilie était l’assurance que quelqu’un porterait un vrai regard sur le film. On passe de l’illusion de ce qui est écrit à l’illusion de ce qui est filmé, lorsqu’on regarde l’adaptation d’Emilie. On a changé complètement de boite à outils. C’était merveilleux et gratifiant de voir que mon roman était devenu le travail d’Emilie. De voir du Cinéma.
Emilie Deleuze : C’est drôle car nous allons nous faire des compliments …
Léna Magnien - Aurore
Emilie Deleuze : Elle a été trouvée lors d’un casting sauvage. Léna (l’interprète d’Aurore) n’a pas été d’une évidence immédiate. Mais Léna a une intelligence multiple, une intelligence dans la compréhension du texte, une intelligence de pensée qui m’a fait dire qu’elle était l’interprète idéale du rôle d’Aurore. Après Léna est très à l’opposé d’Aurore, Léna est agréable, très bonne élève, d’une attention à l’autre extrême. Lors de la présentation du film elle s’excuse pour Aurore, même !
Marie Desplechin : Ce que j’ai remarqué c’est que Léna ressemble physiquement à ma fille !
Emilie Deleuze : Marie est tous les personnages en même temps !
Patricia Mazui
Emilie Deleuze : C’est une personne qui dans la vie est totalement folle, c’est une vraie brute, surtout avec elle-même. Il fallait quelqu’un qui puise lutter contre Aurore. Qui ne se fasse pas bouffer.
Adapter une trilogie
Marie Desplechin : Ce film est un gros mix des trois tomes. Ce qui est problématique car Emilie pense que nous pourrions faire une suite, mais je ne sais pas comment on va faire. Il fallait faire une histoire, une espèce de chronique quotidienne. Mes livres n’ont pas d’Histoires à proprement parler, ils ont milles petites histoires. Le plus embêtant est que l’on a grillé pas mal de cartouches. Il faudrait faire un compte de ce qui n’a pas été utilisé. Je ne suis pas sûre que l’on puisse faire un autre film !
La Musique
Emilie Deleuze : A chacun des films que j’ai réalisés j’ai eu besoin d’avoir la musique en tête pendant que j’écrivais. Ici, il me fallait une musique universelle à la fois rock et qui me permette de toucher plusieurs générations. Il ne fallait pas que cette musique appartienne à un personnage plutôt qu’à un autre, ou à une époque plutôt qu’à une autre, il fallait que je rende compte du caractère universel du roman. Il est difficile de trouver une mélodie rock qui ait suffisamment de profondeur pour tenir le long d’un film. La plupart de musique que l’on retient disparaissent lorsqu’on les pose sur les images et les images et ne les renforcent pas, il fallait un groupe qui tienne la route. J’ai pensé aux BRMC (Black Rebel Motorcycle Club ) car pour moi ils remplissaient le contrat de posséder à la fois une mélodie très profonde, actuelle et universelle. Pour le « Mamie Blue » final je me suis mise à la place d’Aurore en choisissant un truc vieux, en français, qui parle d’une mère (et dans lequel la mère meurt) si cette chanson n’existait pas, Aurore l’aurait inventée.
Francis Ponge
Emilie Deleuze : Il doit exister des profs qui expliquent Ponge à leurs élèves ! Je me suis racontée cette histoire par rapport au personnage d’Aurore. Ce qu’écrit Francis Ponge est proche du personnage d’Aurore, le problème c’est qu’elle n’aurait jamais lu Ponge s’il n’avait pas été conseillé par le prof de Français !
Paris
Emilie Deleuze : Le cadre parisien a été choisi par rapport au cadre de l’histoire d’Aurore. Notamment car le studio de musique se situe rue des petites écuries.
Anecdote
Marie Desplechin : J’apparais deux secondes et demie dans le film ! J’ai passé neuf heures habillée en agent de la circulation. Les gens m’abordaient pour me faire part de leurs problèmes. Je leur disais qu’il s’agissait d’un film mais ils continuaient de me parler de leurs problèmes. Avec le tournage de cette scène j’ai compris un truc sur le cinéma et un truc sur la vie municipale : c’est pas drôle.
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Jamais contente d'Emilie Deleuze
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