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Ce qui se dit la nuit d’Elsa Roch

Whooz : Elsa Roch
ON : Ce qui se dit la nuit - Calmann-Lévy, 2017 – Livre de Poche, 2018

Ce qui se dit la nuit d’Elsa Roch

Chronique de Bruno D

Sur les salons du Polar on est toujours heureux de retrouver les auteurs que l'on a plaisir à suivre à chaque nouvelle sortie, et quelquefois, au hasard d'une couverture qui vous attire, d'un regard, d'un sourire, on s'arrête à la table d'une personne que l'on ne connaît pas ! C'était en Normandie l'année dernière, je rencontrais Elsa Roch et lui achetait « Ce qui se dit la nuit », son premier livre.

Un an plus tard il était temps de découvrir son univers et de faire remonter le bouquin enfoui au fin fond de ma pléthorique « Pal » (« Pile à Lire ») de 548 ouvrages à ce jour !

Le commissaire Amaury Marsac, du fameux 36, est usé, fatigué, par 20 ans d'enquêtes et du mal qu'il côtoie chaque jour bien qu'il n'ait pas encore quarante ans. Sommé par sa hiérarchie de prendre un peu l'air et quelques jours de vacances, il retourne dans le Berry retrouver son terroir, ses racines, et son amour de jeunesse, Elsa.

Peu de temps après son arrivée, Marianne, une vielle dame que l'on dit sorcière, est retrouvée assassinée, égorgée et tondue ! Avec cette mort sauvage qu'il va vouloir éclaircir, le retour au pays s'avère plus chaotique que prévu d'autant plus que les enquêteurs locaux n'ont pas trop envie qu'il se mêle de leurs affaires.

Aux confins d'un Berry mystérieux, le temps campagnard semble bien différent du temps urbain. Intrigue subtile faite de détails et galerie de personnages taiseux et bien représentatifs du monde paysan, on plonge dans une histoire passionnante où les secrets enfouis peuvent quelquefois décider d'une vie toute entière.

Faiblesse et lâcheté des uns, zones d'ombre pour d'autres, entre malédictions et croyances berrichonnes, cette terre de sorciers fait partie intégrante du décor et du scénario où la personnalité des différents protagonistes est superbement fouillée. Ferdinand et Henri, les deux anciens collés à leur terre : les fils de la victime, deux rebuts alcoolos ; Elsa et sa sœur Manon, deux êtres fragiles et sensibles. Quant à Marsac, il traîne depuis sa jeunesse de profondes blessures que la vie moderne n'a fait qu'aggraver.

Ce premier livre d'une romancière fan de Philippe Léotard est une pépite concentrée de noir, de psychologie et de polar à la fois. Avec lucidité et une très jolie plume, Elsa Roch nous trouble autant qu'elle nous émeut avec sa façon d'explorer les failles de l'âme humaine et de mettre en scène le monde rural. Pour avoir vécu un peu dans le sud Creuse, je peux vous assurer que l'auteur a su retranscrire l'essence même de ce territoire et de ses habitants. La terre ici n'a pas la même saveur, les étangs ont tous une histoire et il y a des lieux où dans le pays de Georges Sand, il vaut mieux ne pas s'aventurer, même en journée.

Que les flics locaux pataugent est presque anecdotique puisque l'essentiel du roman n'est pas là.

Cette « Franck Bouysse » au féminin est vraiment partie sur d'excellents rails et je retrouverai avec plaisir Marsac dans le deuxième opus « Oublier nos promesses » que je viens d'acquérir. Une pure découverte et un plaisir à renouveler parce que c'est superbement écrit et mis en scène. BRAVO !