V.I.T.R.I.O.L. de Jean-Pierre Bocquet

Whooz : Jean-Pierre Bocquet
ON : V.I.T.R.I.O.L. - Les Presses du Midi, 2019

L'érudit immémorial acte 3

V.I.T.R.I.O.L. de Jean-Pierre Bocquet

Chronique de François C

Explications de titres. Cet « érudit immémorial » n'est autre que « l'Anonyme d'Anvers » dont, après respectivement « Désoxy » (2018) de Jean-Marc Demetz, « Tuer pour Dagon » (2019) de Roger Facon « V.I.T.R.I.O.L. » de Jean-Pierre Bocquet conte la troisième des aventures. Petit à petit, la collection consacrée aux exploits de l’anonyme Anversois parue dans la collection qui lui est consacrée aux « Presses du Midi » (livres qui peuvent se lire d'une manière indépendante) s’étoffe de fort belle manière. Le secret de cette collection : donner la parole à des auteurs de qualité. A eux de s’accaparer de l’Anonyme d’Anvers. Ce qu’ils font d’une manière fort judicieuse.

« V.I.T.R.I.O.L. » est quant à lui un acronyme alchimique et maçonnique qui signifie : Visita Interiora Terrae Rectificando Invenies Occultum Lapidem : Visite l'intérieur de la terre et en rectifiant tu trouveras la pierre cachée. Ou, comme l'écrit Jean-Pierre Bocquet : « V.I.T.R.I.O.L. est une exhortation à l'amour de vie, car il faut mourir pour renaître à une forme plus pure le la vie, un formidable symbole d'espérance » (p160).

Frère. Désormais, peut-être devrions nous appeler l'Anonyme d'Anvers : « Frère Anonyme ». l'Anversois étant, comme l'indique Jean-Pierre Bocquet : Membre de l'Invisible Collège et Adepte (p212). L'Anonyme d'Anvers, alchimiste sans âge qui a su percer le mystère de l’immortalité et franc-maçon avant l’heure ! Quoi de plus logique si l'on voit la franc-maçonnerie comme étant l'une des héritières de l'alchimie. 

Meurtres en loges. 2015, l'alchimiste anversois, dont on trouve trace au temps de Rubens, est mêlé à une affaire au cœur de loges maçonniques : la volonté de certains « d'anéantir l'institution maçonnique en la sapant par sa base et son sommet » (p66). C'est ainsi que le premier meurtre (ou plutôt la première tentative de meurtre) intervient sur une certaine Jannick Baltu, profane en processus d'initiation dans la loge « Les Vrais Enfants de l'Athanor », institution dunkerquoise, tandis que Paul Litharge, Kadosh de la loge (l'une des figures les plus avancés dans l’échelle initiatique d'une loge) est retrouvé vidé de son sang avant qu'on lui ait tranché la gorge. Très vite les morts vont se succéder et affecter différentes loges françaises. Le Temple vacille, Max Balzer et Benahim Manhélé dits « Les Mac-Benah » (notamment apparus dans « Quai des cadavres », « Le Maître du sceau », « Le Pacte satanique » et « Tuer n’est pas aimer », précédents opus de Jean-Pierre Bocquet), Frères de la loge « Le Sceau de Philon », officiers à la DGSI dans la vie profane, mèneront l'enquête. Ils seront épaulés dans leur quête de vérité par … l'Anonyme d'Anvers. Ce dernier les aidera (« sans leur mâcher le travail pour autant » (cf p162)) dans leur parcours autant jeu de piste « qu'initiatique » (car porteur d'enseignements sur la nature humaine).

« Tout était symbolique et rituel dans cette affaire démonique » (p128)

Les meurtres perpétrés dans « V.I.T.R.I.O.L. » observent des rituels précis empruntés à des textes sacrés. Rien n'est laissé au hasard pour des meurtriers qui semblent parfaitement connaître les rouages du Temple. Puisque tout fait signe (Notez que le mot Mac Benah ou Mac Benac signifie « la chair quitte les os » ou « la chair est corrompue » et qu'il appartient à la légende d'Hiram (le passeur d'idéal). En franc-maçonnerie cette légende est le thème qui sert au rite de passage que vit le récipiendaire (compagnon) pour accéder à la « Maîtrise »), les Mac-Benah font preuve d'une vigilance accrue et manient volontiers les concepts afin de trouver la vérité.

Rien dans « V.I.T.R.I.O.L. » n'est dû au hasard. Les tueurs veulent saper l'institution maçonnique par sa base et son sommet. « Sa base est l'initiation au grade d'Apprenti. Son sommet est le pernicieux grade de chevalier Kadosh » (p66). La personne en cours d'initiation n'est encore qu'un profane, le Kadosh peut quant à lui, selon la définition qu'Alain Bauer en donne dans son « Dictionnaire amoureux de la franc-maçonnerie » (Plon, 2010), se comprendre comme un justicier « qui impose véritablement la balance permettant de rétablir l'équilibre pour une justice véritable ». Alain Bauer relevant que, pour beaucoup, le Kadosh est jugé comme étant un « chevalier noir » agissant dans l'ombre ! Pour s'attaquer à la base et au sommet de l'institution, quelles sont donc les motivations des tueurs ? La vengeance ?

Un seul indice : Homunculus (petit être vivant, doué d’un pouvoir surnaturel, que les alchimistes prétendaient pouvoir créer.). 

Un indice qui ne gêne aucunement la lecture de « V.I.T.R.I.O.L. », opus aux lectures multiples. Enquête rigoureuse sur fond de meurtres ritualisés ou subtile histoire fantastique menée à la manière de « La neuvième porte » mis en image par Roman Polanski en 1999 à partir du roman d'Arturo Pérez-Reverte, ou quête spirituelle.

L'atout majeur du dernier opus de Jean-Pierre Bocquet (lui-même, pour reprendre son expression « membre de l'invisible collège ») est qu'il n'offre pas une vue fantasmée de l'univers maçonnique.

S'il fallait résumer « V.I.T.R.I.O.L. » d’une seule phrase : Le cinquième polar maçonnique de Jean-Pierre Bocquet est un livre qui confirme, comme l'indique la quatrième de couverture que : « l'Ombre et la Lumière s'avèrent être les deux éternelles voies du monde ». 

L’Anonyme au futur. 2020 s'annonce comme une grande année pour l'Anonyme d'Anvers. L'alchimiste reviendra sous la plume de Léo Lapointe ainsi que sur celle de Jean-Pierre Croquet. Deux références.  

Espoir de lecteur, la fin ouverte de « V.I.T.R.I.O.L. » appelle une suite …

J'ai tenté de dire !

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