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Laisse le monde tomber de Jacques Olivier Bosco

Whooz : Jacques Olivier Bosco
ON : Laisse le monde tomber – French Pulp, 2019

Laisse le monde tomber
de Jacques Olivier Bosco

Chronique de Bruno Delaroque

Quelle noirceur dans ce dernier livre écrit par Jacques Olivier Bosco ! J'ai la très nette impression que l'ami « JOB » s'est lâché et s'est fait plaisir presque sans aucune limite. Noir, poisseux, violent et pernicieux, déglingué, tordu, vil, lugubre et à vomir par moment, l'auteur met le paquet et ça pilonne, ça dégage et ça ratiboise sec.

Son « Laisse tomber le monde » est une vision du monde bien apocalyptique. Même si le trait est forcé, il n'en demeure pas moins qu'il nous livre une vue en profondeur de la crasse des banlieues et des zones de non droits que tout a chacun connaît. Proche d'un « Surtensions » de Norek (Michel Lafon 2016) dans l'esprit, mais avec la violence d'un « Guérilla » d' Obertone (Ring 2016), il affûte ses armes et révèle aux cours de ces 360 pages, des individus cabossés, démolis, et revanchards en quête d'une rédemption bien trop grande pour eux.

« On naissait pauvre dans un coin pauvre, de tout, même de ciel » peut on lire page 187 , difficile de ne pas se pendre après ça !

La description du commissariat que l'on découvre à la page 175 est d'une noirceur absolue, comme si des mots coulaient une encre de suie recouvrant tout et marquant indélébilement les lieux, les esprits et les hommes.

Jeff, Hélène et Tracy portent à eux trois, au sein de leur existence des traces abyssales des merdes de la vie. Pas mieux pour les gosses de la banlieue devenus des racailles qui ont compris de bonne heure que la came ça rapportait du flouze. Sans compter que quelquefois, avec une bonne éducation et issu d'un bon milieu, il suffit d'un déclic pour basculer ; vouloir exterminer le monde et casser du flic. Braqueurs de haut vol, mercenaires, dealers, gaupes diverses et langage des armes, point de salut ici, un destin qui peut changer à partir des actes des autres, tous sont plus ou moins liés comme vous le constaterez en tournant les pages.

Ce monde part en miettes, les coutures et les repères craquent de partout et quand des histoires se télescopent, ça peut rapidement tourner à la guerre. L'auteur avec ses locutions toujours précises et un sens des scènes d'action comme au cinéma nous embarque dans son monde qu'il fait vaciller, tomber et décode bien des travers de notre époque.

Il s'amuse aussi en revisitant le mythe du « Chien des Baskerville », même si je pense aussi à la fameuse bête de Gévaudan du 18ème siècle. A l'ère du 2.0 googelisé, Nos flics ne vont pas hésiter à faire leur taf en plongeant corps et âmes dans cette « merde » parce que justement il ne veulent pas laisser tomber le monde.

Avec JOB on s'enfonce dans la douleur de la vie et l'appauvrissement d'une société sans reférentiel.

L'ascenseur social est en rade depuis longtemps et les repères ont depuis longtemps volés en éclats. Ces flics humains et à bout de souffle sont malgré tout le seul rempart qui reste encore contre la folie. Mais pour combien de temps encore ?

L'auteur a depuis ses trois derniers romans musclé son style et noircit ses récits, à l'image de notre époque toujours plus violente, plus rapide. Si beaucoup ont encore des œillères et refusent de voir la réalité de ce monde, ils ne vont pas tarder à tomber de haut. Vous pouvez compter sur JOB pour vous faire une piquouse de rappel à moins que vous ne préfériez « Laissez tomber le monde ».