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Couleurs de la vengeance de Maurice Attia

Whooz : Maurice Attia
ON : Couleurs de la vengeance – Jigal Polar, 2022

Couleurs de la vengeance
de Maurice Attia

Chronique de Bruno Delaroque

Faire un retour de lecture n'est pas toujours facile. Je m'explique : en lisant beaucoup comme moi, entamer une nouvelle lecture derrière un livre qui s’est avéré être monstrueux, c’est compliqué. Et dans ces cas-là, le suivant a toujours un peu plus de mal à passer. C'est ce qui m'est arrivé avec ce « Couleurs de la vengeance » de Maurice Attia. Il faut à ce moment-là recul et objectivité pour ne pas passer à côté. Ça aurait été bien dommage parce que ce roman est remarquable à plus d'un titre !

10 mai 1981 alors que certains entrent en pleine lumière avec l'élection de François Mitterrand, un autre François ; François Nessim, grand reporter à Europe 1 entre dans la nuit noire, une balle tirée dans la nuque. Rideau pour lui ! Quelle ironie pour ce reporter multi récompensé qui avait survécu à une détention en Afghanistan et à la guerre : être assassiné chez lui après avoir bravé les plus grands dangers.

Huit mois plus tôt, une tuerie dans un bar de Marseille, « La belle de mai » à laquelle assiste Paco par hasard, lui l'ancien flic et journaliste culturel au Provencal. Une enquête impossible à éviter pour Paco, pendant que Nessim lui est parti couvrir l'envahissement russe en Afghanistan.

Une enquête ou toutes les pistes sont envisagées, un travail de fourmi et de recoupements à l'ancienne. Entre journalisme d'investigation et recherche d'indices, Paco rencontre, interroge et essaye de comprendre.

Maurice Attia déroule son histoire et nous emmène dans l'ex Yougoslavie de Tito, au cœur de l'Afghanistan, à Vienne et à Marseille, ville aux nombreuses influences s'il en est.

On est heureux de retrouver Paco, ce fouineur hors norme qui aime se foutre dans le pétrin.

Ce qu'il y a de sûr, c'est que cette tuerie n'est pas un hasard. Mais où placer le curseur ? Trafic de quoi, comment et qui ? Qu'a-t-on voulu faire, une menace, un avertissement, un règlement de compte, une liquidation, un blanchiment par le vide ? Voilà les questions que Paco le journaliste se pose, et celles auxquelles Yul et Brinner, les flics vont devoir répondre.

Tout semble tourner autour d'une famille de l'Europe de l’Est, mais quelle est la place de chacun ?

Ce roman est une excellente surprise entre une intrigue pointue et des personnages attachants que nous connaissons déjà. Marque de fabrique de l'auteur, Paco et Irène sont ses personnages récurrents. Paco devenu chroniqueur de cinéma aime l'adrénaline, une vie plate et monotone l'ennuie, et cette tuerie est l'occasion pour lui de repartir en chasse et de réactiver ses vieux réflexes de flic doué. Paco Martinez est un fin limier et il ne compte pas en rester là.

Je vous disais plus haut qu'il aurait été dommage de passer à côté de ce titre parce que l'auteur a du talent et plus d'un tour dans son sac. On part de loin avec des gens et des scénarios très éloignés avant que le romancier avec une précision chirurgicale ne fasse concorder certains événements. C'est assez stupéfiant, remarquable même je trouve et c'est un bonheur de se laisser emporter à nouveau par cette histoire.

Et pendant ce temps-là, la vie passe. François Nessim en captivité, coupé du monde et menacé chaque jour se rend compte, après être libéré et rentré, que la vie a continué pendant son absence (décès, disparitions) et qu'il faut raccrocher les wagons et reprendre le cours d'une vie qui pourrait bien ne plus être jamais normale.

Radiographie d'une année pré-électorale, c'est une belle leçon d'histoire du passé que l'on se remémore. Maurice Attia est un fin observateur de notre société. Coulisse d'une présidentielle et trafics au cœur de l'Europe dans les années 80, on se dit qu'en 2022, on remet le couvert avec la guerre en Ukraine et 99% des enjeux qui échappent aux français ; et cette présidentielle en cours, guère plus claire.

Je ne pensais pas lire un livre à la géopolitique aussi marquée et je dois bien dire que l'auteur a masqué son jeu avec beaucoup de finesse. En terminant cette lecture dans laquelle j'étais rentré timidement, je ne peux que saluer le talent l’auteur et son adresse. Son univers mettant en scène Paco et Irène à chaque fois est remarquable de concision. C'est ciselé, fouillé, travaillé avec à propos et c'est surprenant de véracité.

Témoin de son époque, il sait entraîner son lecteur dans l'histoire réelle (cf Aldo Moro dans Le rouge et le Brun, Jigal Polar février 2021) et soumettre à notre réflexion idées et points de vue. J'ai vraiment adoré une fois de plus ce récit qui nous livre quelques surprises. BRAVO c'est vraiment de la belle ouvrage et c’est un coup de cœur !

Maurice Attia sur WHOOZONE.COM - Chroniques de Bruno delaroque

Le rouge et le brun