
Pat et Garret de Jacques Bablon

Whooz : Jacques Bablon
ON : Pat et Garret – Jigal Polar, 2022
Pat et Garret de Jacques Bablon
Chronique de Bruno Delaroque
Ma première rencontre avec Jacques Bablon (« Trait Bleu ») ne m'avait pas forcément séduite. En réalité, c'est moi qui étais passé à côté de ce formidable auteur, n'ayant pas compris son style et sa philosophie d'écriture. Mea-culpa !
Il faut dire qu'en cinq romans, six avec ce dernier dont je m'apprête à faire le retour, Jacques Bablon nous a livré des histoires précises, noires avec des protagonistes taillés au cordeau. Je me souviens de ce « Noir côté cour » Jigal Polar, 2020), une pépite digne d’un plat de haute gastronomie !
Premier chapitre, entre non-dits et questionnements d'une mère, on comprend entre les lignes le poids de la culpabilité qui s'est insidieusement immiscée. Ça gratte dès le départ !
Quarante ans, âge charnière, l'anniversaire de la mère de cette famille plutôt décomposée, c'est vite expédié et l'auteur décrit ses personnages comme vus de loin, sans affect et sans empathie, mais avec un malaise évident. Trois, quatre chapitres courts suffisent à distiller ce sentiment d'embarras et de mal larvé.
Pat et Garrett, c'est un titre qui sonne comme Bonnie and Clyde, mais ici on est plutôt dans l'univers des « Pieds Nickelés », des ratés, des individus de seconde zone. Des existences pauvres où l'on pare au plus pressé, des conneries à la va vite et à la vie que l'on subit. Pat et Garrett les deux jumeaux sont chauds bouillants, toujours prêts à s’opposer entre futilité et rivalité, et ça dure depuis leur plus tendre enfance. L’amour familial est une utopie, la haine est leur compagnon de voyage, leur quotidien.
Et puis cette vie glissante et sans attache va changer. Les deux frangins vont se trouver plus de points communs et surtout, ils vont se prendre en pleine face le passé inavouable, bien caché et surprenant, qui remonte en plein tronche. C’est l’occasion pour eux d’agir enfin sur leurs destinées et de se prendre en main. Mais à quel prix ?
L’auteur nous offre cette fois-ci un casting réduit avec plus de force et de persuasion encore. Les plans sont serrés, l’action condensée et la vie toujours sans pitié. L’espoir ; très peu, la lueur au bout du tunnel ; occultée, l’avenir ; sombre. Lorsqu’un rayon de soleil arrive, il ne dure pas longtemps et c’est souvent pour annoncer la tempête qui va suivre.
Dans ce western moderne, c’est du « je t’aime moi non plus » à la Gainsbourg, c’est une histoire sans temps mort sur le temps qui passe, les oublis, les erreurs, et les secrets du passé. C’est une fuite en avant pour un monde meilleur où l’on n’est pas sûr de gagner, et où l’on a tout à perdre. L’auteur revisite les liens du sang version Pat et Garrett. Ça pulse et ça fait mouche. Encore une très belle sortie pour cet auteur que je ne finis pas de découvrir, bravo !
Jacques Bablon sur WHOOZONE.COM
Chronique de Bruno Delaroque
Noir côté cour
Pour aller plus loin
.