F Thilliez et JM Demetz rencontre croisée

F Thilliez et JM Demetz rencontre croisée

Whooz : Franck Thilliez et Jean-Marc Demetz
ON : Humeurs Noires de Lille

Humeurs Noires nordistes

Le rencontre croisée entre Franck Thilliez et Jean-Marc Demetz portait le doux titre de « Pointures du Nord »* lorsqu’Humeurs Noires, la librairie des littératures sombres en fit la promotion. Quelles pointures en effet que celles de Franck Thilliez et de Jean-Marc Demetz (respectivement 42 et 44 (approx.)). L’un est l’auteur de best-sellers que l’on connait, l’autre est, comme il aime à se désigner, « un jeune auteur ». Je parle bien respectivement de Franck Thilliez et de Jean-Marc Demetz. L’un vient de signer le bandeau du second pour « Chrysalide » (Ed. Abysses), apportant ainsi une belle caution à un ami de longue date. Franck Thilliez et Jean-Marc Demetz sont tous deux des références dans le monde littéraire nordiste (et non pas « nordique » car les invités du jour de la Librairie Humeurs Noires ne sont pas Franc Thilliesonn et Janmarc Demetzon).


Récit de la rencontre menée par Olivier Vanderbecq avec la participation de Romain Delvallet.

Présentation des protagonistes

Jean-Marc Demetz (jeune auteur)

Jean-Marc Demetz : Je suis un jeune auteur. L’écriture a pour moi été un besoin et non une envie. Il fallait que j’écrive à 50 ballais, j’ai démarré il y a 10 ans ! Il fallait que j’écrive sous peine de devenir « Sérial Killer » ! A partir de là il y a eu une écriture qui s’est faite, avec un plaisir qui s’est développé, et parallèlement à ça il y eu le plaisir des rencontres. Je ne conçois pas d’écrire des romans sans avoir le plaisir de rencontrer mes lecteurs et des auteurs de polars. Il y a donc un double besoin, celui d’écrire (qui passe par des stages d’euphories ou de « découragements »), qui est un exercice solitaire, et celui de partager. J’écris pour les gens que j’aime – si d’autres me lisent, tant mieux, ça me fait plaisir ! Ce que j’écris vient de moi, de mes tripes, cela me permets de m’exprimer sur certains sujets. Etant un jeune écrivain, je suis encore en train de chercher des choses. Mon départ a eu lieu dans le polar en me disant que j’allais faire de l’action, moi qui démarre tard et qui ne suis pas littéraire ! Et que ça allait être plus facile ! Pas du tout. Par la suite j’ai écrit pour mes petits-enfants, et un livre de Fantasy pour mes petits-enfants lorsqu’ils seront ados. Je tiens à transmettre des choses.

J’ai rencontré Franck à une époque où il n’était pas connu. A une époque où il ne vendait pas beaucoup. Ma première rencontre avec Franck c’était au Salon de Marquette, il était installé près d’un vendeur de livres au kilo ! Franck ne vendait rien. Je l’ai rencontré alors que j’avais mon manuscrit de « Wagadou » sous le bras. Je cherchais un éditeur. Et Franck m’a donné un coup de main.

Franck Thilliez : On se connaît bien avec Jean-Marc, il faut savoir que celui-ci est à l’origine du Salon de Templemars. 

Jean-Marc Demetz : J’ai créé le Salon de Templemars car j’ai croisé un Maire qui m’a dit « vas-y ». Pour la petite histoire, lorsqu’il m’a demandé ce qu’il me fallait, je lui ai dit : « une pompe à bière » ! Le Salon de Templeamrs s’est développé pour devenir ce qu’il est et Franck y a participé de nombreuses fois. Le Salon de Templemars existe tous les troisièmes week-ends de septembre car Franck a longtemps sorti ses nouveaux bouquins le 1er octobre de l’année. Si la date du Salon avait été en octobre, je n’aurais pu l’avoir, car Franck était demandé ailleurs. Franck venait par amitié, et non pour présenter son dernier livre. Comme je vous le disais tout à l’heure, ce qui est intéressant c’est qu’il y ait un échange car, par exemple, nous avons des décodages différents de nos lectures. Juste pour prendre cet exemple.


Franck Thilliez (auteur culte)

Franck Thilliez : C’est toujours difficile à expliquer le pourquoi et le comment ! Moi c’était surtout pour raconter des histoires. Ce n’était pas l’envie de me dire « un jour je vais écrire et je vais devenir le prochain « je ne sais qui » ». Je l’ai déjà amplement raconté, j’ai eu envie de raconter des histoires en tant que lecteur notamment de Stephen King et en tant que spectateur de films.

«Envie », « besoin », c’est un peu pareil ! J’avais plein de choses en moi par rapport à ces lectures noires et ces films. Sans doute par rapport à des choses très personnelles, je n’ai jamais creusé la question. « Conscience animale », le premier livre que j’ai écrit était un besoin. « Conscience animale » est un livre qui s’est très peu vendu. Il était édité « à la demande ». En termes de chiffres, en 15 ans je suis passé de « quelques exemplaires » à un tirage de 100 000 ! Les écrivains d’aujourd’hui ne vendent pas énormément, il faut savoir qu’un « best-seller » dans le domaine de l’édition représente 15 000 exemplaires. 90% des livres qui sortent se vendent très peu, parfois il s’agit de quelques centaines d’exemplaires. Même dans de prestigieuses collections. Du temps de San Antonio, les écrivains pouvaient vendre de 300 à 400 000 ! Les livres étaient moins chers. Dans le paysage littéraire actuel beaucoup d’auteurs ne vivent pas de leurs livres. Certains sont à la frontière d’en vivre. Souvent un auteur a un métier qui lui permet de vivre à côté. J’ai la chance de faire partie des auteurs qui vendent beaucoup de livres. 

Jean-Marc Demetz : Beaucoup d’auteurs « nationaux » vivaient correctement de leurs ventes il y a une dizaine d’année, ils rament aujourd’hui ! Des « pointures ».

Franck Thilliez : Sans citer de noms, les amateurs de Polars sauront identifier ces derniers. Il s’agit de gens qui écrivent depuis très longtemps et qui ne connaissent plus le succès.

Jean-Marc Demetz : Même à la « Série Noire » ! Le paradoxe étant qu’on rêve tous d’être édité par de grosses maisons d’éditions, mais qu’il est parfois (souvent) mieux d’être édité par une petite maison d’éditons qui mène bien sa barque.

Romain Delvallet : Le souci n’est pas la qualité littéraire des textes édités par ces grosses structures, c’est le côté commercial qui se place derrière ces productions. Les commerciaux de petites maisons d’éditions se battent pour leurs bouquins. Les premiers romans, dans les grosses maisons, passent souvent à la trappe. Car il faut mettre en avant tel auteur, qui vend, lui.

Jean-Marc Demetz : J’ai eu ce cas lorsque j’étais chez « Krakoën » version historique. C’était une pépinière de talents. Certains ont percés, et se sont retrouvé moins soutenus que lorsqu’ils étaient édités par leurs petites structures initiales. Et c’est un cercle vicieux. L’auteur n’est pas reconduit car il ne vend pas ! Un champ est offert aux petites maisons qui ont peu de moyens mais qui ne sont pas à l’abri d’avoir de bonnes idées par du relationnel, par de bons auteurs, des correcteurs, et des bons libraires. Le paysage d’aujourd’hui est placé entre les distributeurs qui plombent les petits éditeurs et, notamment, le net. Par rapport à ça, il y a une place à prendre avec, par exemple, ce que l’on fait aujourd’hui, des rencontres. Celle-ci est intéressante pour les petites structures, mais peu intéressante pour les grandes maisons d’éditions.


Ecrire une histoire. Travailler à partir d’une base scientifique

Franck Thilliez : J’ai toujours eu un attrait pour la science. Gamin j’étais abonné à « Science et Vie » … On écrit avec les affinités que l’on possède. Le rapport à la science permet également d’expliquer comment fonctionne l’être humain. Et le Polar tente de comprendre le fonctionnement des êtres humains. Au lieu d’avoir des explications sociales, je vois le caractère scientifique des choses. C’est pour cela que je m’intéresse à la psychiatrie, la mémoire …

Il n’est pas évident, et facile, d’écrire un livre. Créer un personnage, même secondaire, nécessite de se documenter. La documentation devient plus lourde lorsque l’on aborde des domaines scientifiques (la narcolepsie, par exemple). J’ai un socle d’infos lorsque je vais voir un professionnel, et les informations qu’il m’apportera seront des infos plus pointues. Discuter avec un spécialiste, un médecin par exemple, vous apporte la même info qu’un bouquin de 600 pages ! De plus, lorsque je rencontre un spécialiste je sais pourquoi je viens le voir, et j’oriente mes questions par rapport à l’intrigue que je veux développer. Il arrive que j’aille voir un spécialiste sans connaitre mon histoire. J’ai mon sujet, mais je ne connais pas la direction que je vais prendre. Ce qui m’est arrivé avec « Pandemia ».

Jean-Marc Demetz : On peut avoir l’idée d’une ligne conductrice, et ensuite chercher l’histoire qui va avec. Et vos recherches vont parfois vous faire dévier de votre projet initial. Ce qui m’est arrivé sur « Chrysalide ». Pour « Chrysalide » je suis parti d’une idée géniale, mais pas bonne ! Une idée que j’ai développée pendant trois ans ! L’idée géniale c’est que si j’arrive à motiver un sérial killer pour tuer une personne que je désire tuer, alors je commets le crime parfait car le sérial killer tue sans alibi, et au hasard. Or lorsqu’on étudie la psychologie des tueurs en série on apprend que le sérial killer a ses propres cibles qui ne sont pas celles que vous lui fixerez et qu’il ne fonctionne que sur impulsions ! J’ai travaillé avec Stéphane Bourgoin après trois ans de boulot où je m’étais « tapé » un travail conséquent de documentation et d’écriture. Tout en sentant bien que je tournais en rond ! Stéphane m’a encouragé à continuer mes recherches, et en les poursuivants je suis tombé sur « La manipulation mentale » avec la lecture du « Manuel de torture mentale » de la CIA et ses enseignements aux dictatures sud-américaines des années 70. A partir de cette base j’ai repris mon écriture et je suis tombé sur des photos d’Abugraïb soit les premiers enseignements du manuel de la CIA, les enseignements de la torture mentale. Là je savais que je tenais « un truc ». Mon travail d’écriture pu reprendre, avec une construction de fou car il fallait que je manipule le lecteur. Mes heures de recherches m’ont amené de la matière qui ont changé ma direction en cours de route, une matière sur laquelle j’ai travaillé. Ecrire est un travail d'horlogerie, lorsque vous souhaitez changer un détail sur la 200ème page de votre manuscrit, il est nécessaire de voir toutes les ramifications à changer dans les pages précédentes.


La notion de « cadre »

Franck Thilliez : Mes lecteurs ont des attentes. Lorsqu’on écrit on se demande si l’on va rester dans ses domaines de prédilection, ou si l’on va en sortir ! Je suis à chaque fois confronté à cette question car j’ai mes personnages policiers que mes lecteurs apprécient, mais j’écris également des ouvrages unitaires. Mes unitaires restent dans le Thriller mais ils n’utilisent pas mes personnages récurrents. On pourrait se poser d’autres questions si je sortais du cadre du Thriller (tel Chattam, par exemple). Mes lecteurs suivraient-ils ? L’univers du Thriller est assez vaste, j’ai écrits des romans en huis-clos, des romans plus psychologiques … et j’ai toujours jonglé entre Sharko et Hennebelle et mes romans unitaires. Les lecteurs le savent. Auraient-ils acceptés que j’écrive « REVER » si je n’avais, dans mon parcours d’écrivain, écrit que les aventures de Sharko et d’Hennebelle ?

Jean-Marc Demetz : Je n’ai pas de problèmes « de cases », car je n’ai pas besoin de vivre de ma plume ! Et, comme je le disais tout à l’heure, j’écris d’abord pour les gens que j’aime. J’écris selon mes envies du moment. En ce moment j’écris de la Fantasy pour mes petits-enfants lorsqu’ils seront ados.


L’avenir

Jean-Marc Demetz : C’est pour moi « Abysses », ma boite d’édition, qui est expérimentale. Mon avenir, c’est d’expérimenter. J’ai dix ans d’expériences avec des éditeurs et des distributeurs, ma conclusion c’est que le milieu de l’édition ne marche pas très fort pour les petits auteurs. « Abysses » a l’axiome de valoriser un peu plus l’auteur par rapport à ce qui se fait dans le milieu de l’édition. Nos auteurs gagnent 25% au lieu des 5% pratiqués dans le domaine de l’édition. L’auteur peut acheter ses bouquins à 50% et s’occuper de sa diffusion. A partir de ça, « Abysse » n’a pas les moyens de payer un distributeur 55%, nos auteurs ne seront pas diffusés classiquement en librairies. Notre garantie est que l’auteur sera disponible à vie sur notre site, car nous réapprovisionnons par paquets de 50. Nous avons également dans notre giron une maison de production de films, sur nos quatre romans sortis en 2016, deux ont fait l’objet de vidéos avec des professionnels. Pour l’instant nous expérimentons gratuitement. Notre modèle a démarré, il marche. Sans salaire. Nous avons publié quatre romans, et nous avons d’autres projets. Notamment dans le domaine vidéo. Nous avons la chance de ne pas avoir de contraintes économiques pendant deux ans ! Il nous reste un an d’expérimentation.

Franck Thilliez : Je vais « lever le pied » sur les Salons et les dédicaces. Pour écrire et pour me réserver une vie de famille. Sinon, « Puzzle » sortira en BD le 2 décembre. Il s’agit d’un « Roman BD » de 200 pages. J’en ai écrit le scénario et Mig l’a mis en image. Par ailleurs, j’écrits mon livre pour l’année prochaine avec mon couple de personnages qui revient.


Franck Thilliez au Cinéma

Franck Thilliez : Hollywood a les droits de tous mes livres avec mes personnages récurrents. En ce moment Hollywood travaille sur « Le Syndrome [E] ». Il leurs reste peu de temps pour travailler dessus car ils ont prolongé leurs droits deux fois, ce qui est la limite. Je travaille également avec une petite structure qui est au bout des droits pour « Vertiges ».

 

* Le samedi 22 octobre 2016

Franck Thilliez sur WHOOZONE.COM

2022 - Labyrinthes vu par Bruno Delaroque

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2015 - Pandemia

2015 - Pandemia vu par Franck Thilliez

2015 - Le grand voyage vu par François Cappeliez - l'Avant Pandemia

2014 - Angor vu par Franck Thilliez

2014 - Irradié - Recueil de Nouvelles

2013 - Puzzle vu par Franck Thilliez


Sur Franck Thilliez

Qui est Franck Thilliez ?

Franck Thilliez Jean-Marc Demetz - Rencontre croisée

2013 - l'année Franck Thilliez

Notre fiche personnalité consacrée à Franck Thiliiez




Pour aller plus loin

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02/12/2016
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