La Pyramide de boue d’Andrea Camilleri
Whooz : Andrea Camilleri
ON : La Pyramide de boue – Fleuve Noir, 2019
La Pyramide de boue
d’Andrea Camilleri
Chronique de Bruno Delaroque
En Sicile, à Vigata, il pleut sans discontinuer depuis une semaine et glissements de terrains et effondrements de constructions se multiplient à un rythme inquiétant. Dans un paysage lunaire et détrempé, sur un chantier, on découvre le corps sans vie de Giugiu Nicotra, un comptable marié à une jeune allemande. Une enquête pour notre commissaire Montalbano, héros récurrent des romans d'Andrea Camilleri.
Quel plaisir de retrouver l'univers typé et l'ambiance particulière qu'a su si bien installer Andrea Camilleri au cours de sa longue carrière d'écrivain. Il faut dire que le gaillard du haut de ses 93 ans est à la tête d'une fameuse collection de succès. On peut saluer également le traducteur Serge Quadruppani qui a compris depuis longtemps l'esprit de la prose de Camilleri et sa traduction riche est parfaitement adaptée à l'univers de cet auteur malicieux, elle contribue à en faire une série formidable.
A chaque fois que je découvre le nouveau Montalbano, je ne peux m'empêcher de « pinser » (comme dans le roman) à Luca Zingaretti, l'acteur italien qui prête ses traits à notre fameux commissaire dans la série adaptée et diffusée sur la RAI en Italie et FR3 pour notre hexagone. Soit dit en passant, je trouve les adaptations justement réussies, comme quoi si on veut on n'est pas obligé de tout transformer et que l'on peut rester fidèle et respecter l'oeuvre d'un auteur comme ne l'a pas fait par deux fois M6 avec B Minier ou M Bussi ; bon passons !
Ce dernier roman mettant en scène les aventures de Salvio Montabalno est particulièrement bon. On retrouve avec plaisir l'équipe composée de Fazio, Mimi Augello, le fameux et clownesque Catarella et tout ce qui fait que la Sicile est un cas à part sur l'échiquier italien. La mafia n'est jamais bien loin et derrière un récit imaginaire et soit disant léger, on peut déceler ici et là, quelques vérités et situations jamais bien loin de la réalité. C'est toute la richesse de l'oeuvre de Camilleri où sa fine observation et analyse de la vie sicilienne est un atout qui se révèle à chaque ligne et chaque page.
Charismatiques sont ses personnages, avec leurs petites manies ! L'un est un coureur de jupon avéré doublé d'un séducteur, l'autre un épicurien à la Lino ventura pour qui enquêter le ventre vide est une injure, et notre Catarella est à lui tout seul un puits sans fond pour les conneries avec une élocution bien bizarre.
Cette dernière intrigue compliquée et touffue à souhait, implique des gens bien connus, cachés dans l'ombre et qui sortent rarement du bois pour s'exposer en pleine lumière. C'est précis, documenté, et notre Commissaire va devoir faire preuve de grande réflexion et de finesse, et mettre toute son expérience et sa connaissance de la vie sicilienne à contribution pour résoudre cette affaire et ne pas gober les bobards qu'on lui apporte sur un plateau.
Plus que jamais, au vu de certains événements récents en Italie, on peut sourire et souscrire à cet univers si décalé, mais on peut également se poser quelques questions. Dès qu'il y a de fortes sommes d'argent en jeu, les convoitises diverses s'expriment dans une union sacrée entre les ennemis de tout bord.
Sur fond de radiographie sicilienne, Andrea Camilleri nous livre une fois de plus avec talent, un savoureux mélange de culture, de gastronomie et de polar noir comme lui seul sait le faire depuis de nombreuses années. Pas étonnant que le succès soit au rendez-vous car c'est amplement mérité. Nous avons beaucoup de chance que ses écrits soit diffusés en France, car ce Camilleri et ce Montalbano sont des monuments tous les deux !
Andrea Camilleri sur WHOOZONE.COM (Chroniques de Bruno Delaroque)
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