Rencontre avec Franco Mannara

Rencontre avec Franco Mannara

Whooz : Franco Mannara
ON : Je m'appelle Birdy – Calmann-Levy, 2017

Rencontre avec Franco Mannara
autour de « Je m'appelle Birdy »

Récit de la rencontre participative menée par Olivier Vanderbecq (de la Librairie Humeurs Noires de Lille) lors de la venue de Franco Mannara dans l'antre du maître des lieux, à savoir Olivier Vanderbecq (alias « Le Corbac ») himself, le 8 avril 2018. La rencontre eu lieu en toute convivialité, non pas dans la cave de feu l'institution lilloise, mais sur le trottoir de ladite institution. Pour l’anecdote on retiendra que Monsieur Mannara portait un pantalon orange. « Rouille », tiendra-t-il à préciser. C’est peut être un détail pour vous, mais pour lui ça veut dire beaucoup.

Présentations d’usages

Franco Mannara : Je m’appelle Franco Mannara. A la base je suis chanteur, je suis musicien. J’ai écrit « Je m’appelle Birdy ». Mon livre est plutôt un roman « noir » (on peut dire également que j’ai écrit un livre sociétal, avec « Je m’appelle Birdy » je voulais faire une chronique de mon environnement), mais ses privés le rapprochent également du monde du polar. J’ai écrit un polar car c’est un genre que je lis et que c’était le seul type de bouquins que je me voyais écrire (en tout cas pour l’instant). Je suis également fan de cinéma « B », de films asiatiques, de polars des années 30/40. Des sujets que je connais assez bien, et qui vont aussi avec le rock’n’roll que je connais bien également. J’ai, dans une vie antérieure été privé, pour « crouter ». Dans la vie on fait parfois des métiers auxquels on s’attend pas ! J’étais un grouillot, je faisais des filatures de merde. Ce que fait Paolo, le héros de mon bouquin. Paolo devra enquêter sur la disparition d’une fille, « Birdy », à la demande de sa mère (cette dernière voulant juste savoir comment va sa fille disparue).

Etre privé m’a permis d’apprendre que l’imagination de l’espèce humaine dépasse souvent la fiction. Que la fiction est souvent en dessous de la réalité.

Sur Birdy

Mon personnage s’appelle « Birdy » à cause de sa coiffure. La coiffure originale des skinheads dans les années 70, quand ils écoutaient du reggae avant qu’ils ne deviennent un mouvement fasciste. Cette coupe de cheveux est l’héritière des cockneys anglais.  

De la quête

Je peux reconnaître que « Birdy » soit un livre de gens qui se cherchent, mais c’est surtout un livre de gens qui se perdent. C’est un livre qui parle de gens qui se font ou se sont fait manipuler.

J’ai fini mon bouquin il y a maintenant deux ans (2015). Le 13 novembre dernier (2016) j’ai passé un sale moment. Lorsque je suis revenu à moi après les événements du Bataclan je me suis dit que je ne pouvais plus proposer mon bouquin aux éditeurs. J’ai pensé que l’on pouvait me taxer de « récupérateur de morbidité ». Mais on ne peut pas commencer à se censurer car des psychopathes sont allés tuer des gens ! J’avais écrit une scène voisine de celle du Bataclan. Je ne pouvais commencer à me censurer.

De la drogue

Ma drogue existe ! C’est une drogue d’origine colombienne. Elle ne sort pas de Colombie, hors elle est arrivée en France ! Elle est arrivée il y a quelques mois coupée avec de la coke. Tu peux prendre cette drogue à ton insu, et on peut ensuite te faire faire ce que l’on veut ! Mon livre décrit une scène où lors d’une soirée on ne sait plus si les protagonistes, dont Birdy, sont volontaires ou non pour une situation «   no limite ».

Des nihilistes

La coke a pénétré toutes les strates de la société à un niveau qu’on ne peut soupçonner. Il n’est plus anodin de voir des jeunes de vingt ans se taper de la coke dans un appart, toute une nuit. Mes victimes ne sont pas spécialement de bonnes familles. Ma drogue est poussée « XXL » et elle atteint toutes les couches de la société. Il y a une espèce de nihilisme festif, une espèce de déresponsabilisation qui amènent aux comportements que je décris dans mon livre. Et tout est sujet à devenir business.

Du transsexualisme

« Je m’appelle Birdy » compte deux trans, il était important pour moi que les deux transsexuels de mon bouquin fassent partie du décor. Il n’y a pas un truc dans l’intrigue qui fasse que ce soit important que mon bouquin comporte des transsexuels ! Les trans sont des gens comme les autres ! Il est, pour moi, important que cette sexualité existe, comme une autre. Qu’elle existe dans la vie, dans la littérature, et dans les films. Toutes les sexualités sont normales.

Dans la première version de mon bouquin j’avais prévu que Vinoval, mon transsexuel, change de sexe pendant le bouquin ! Mais je me suis aperçu que c’était un sujet que je ne pouvais pas traiter d’une manière désinvolte. C’est un truc tellement important dans la vie de quelqu’un ! Si je mets en jeu la transformation, alors elle doit prendre sa place dans une dramaturgie sinon il y aurait eu un truc un peu voyeur, ce qui ne m’intéressait pas. Si j’écris la suite de « Birdy », peut être aborderais-je la transformation. Changer de sexe n’est pas un truc anodin.

Du sexe

Les polars actuels n’abordent plus « le cul ». Les habitudes sont bonnes à perdre. Mes scènes de cul me racontent. Elles sont naturelles.

Il était important pour moi que mon bouquin compte des scènes de sexe « dans la joie et la bonne humeur ». Mes scènes trash de culs ne seront jamais détaillées, seules mes scènes de sexes consenties le sont. Je trouve drôle que, dans des bouquins, dans des films, on n’ait aucun problème avec des scènes de tortures, de démembrements … mais que l’on soit mal à l’aise avec les scènes de sexes consenties, «  dans la joie et la bonne humeur » (ce qui concerne normalement tout à chacun !).

Mes scènes trash appellent l’imaginaire, il est facile de montrer l’horreur ! Tu appuies, et tu rentres dans une fascination qui est malsaine. Ce qui ne m’intéresse pas. On nous montre tous le temps des images horribles, aux JT, sur internet (en deux ou trois mots clés). C’est facile.

Une conclusion

« Birdy » n’est pas un vrai polar ! C’est un prétexte « polardesque » pour faire un vrai roman « noir».

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Questions subsidiaires du public (en folie)

Quand écris-tu, et comment ?

J’écris, assis, ou dans mon lit ! Ca dépend ! Si j’écris, il me faut une journée. Si je corrige, quelques heures suffisent. Pour écrire il faut que je m’abstraie de tout. Quand j’écris je descends dans un état, ce qui me demande toujours un peu de temps. Cela me demande également du temps pour en sortir. Ce qui m’a fait flipper. Au milieu de « Birdy » j’étais parfois indifférent à ce qu’on me racontait lorsque je sortais après avoir passé du temps à écrire. Caryl Ferey m’a dit que c’était normal, et m’a conseillé de prendre un temps de décompression. A un moment je me suis même dit qu’il fallait que j’arrête d’écrire car cette pratique était trop nocive pour moi. J’étais trop impliqué dans mon écriture, j’avais trop de mal à en sortir. Depuis que je suis les conseils de Caryl (Ferey, Ndlr), ça va mieux.

Quel a été ton process d’écriture ?

J’ai été empirique. Pour moi il était assez logique de passer de l’un à l’autre de mes personnages Birdy, Paolo et Vinoval. D’une manière générale je fais un plan, des sous plans et des sous sous plans. Le tout aidé de notes que je prends – tout le temps. Il m’arrive d’écrire des scènes qui arriveront dans 20 ou 30 pages car au moment où elles me viennent je les écrits. Quitte à les modifier ensuite. Ou alors je prends des notes assez précisent. Pour moi les trajectoires de mes personnages sont assez claires. S’il reste dans sa forme actuelle mon prochain bouquin comptera un chapitre par personnage (du moins dans sa première partie). Je dois être un peu schizo sur les bords car je n’ai aucun problème à passer de l’un à l’autre de mes personnages.

Sur Paris

Je connais Paris beaucoup mieux que ce que j’ai écrits dans mon bouquin. Je suis né par hasard à Fréjus, j’habite actuellement dans le 93 mais j’ai grandi aux Abbesses et à la Goutte d’Or. J’ai traîné dans Paris des millions d’heures. J’ai parcouru Paris en scooter, en moto et à pied.

Sur la Nuit, et plus particulièrement la Nuit parisienne

La Nuit est belle, partout dans le monde ! Elle peut être belle, tout dépend de comment tu la regarde, si elle te fait peur ou pas … La Nuit peut être fascinante. J’ai développé une vraie relation à la Nuit. Elle a changé maintenant, mais j’ai vécu une grosse partie de ma vie la Nuit. Et j’adore ça. J’aurais pu habiter à Londres ou Berlin, ça aurait été pareil.

Des influences

Le bouquin qui m’a traumatisé c’est « Les racines du mal » de Dantec. J’ai voulu le relire il y a peu, et j’ai arrêté pour ne pas casser le mythe. « Trinité » fut ensuite, pour moi, le polar qui a détrôné « Les racines du mal ». 

Mon premier choc « rock » c’est Jerry Lee Lewis. Puis rapidement ce fut le « Punk », que j’écoutais sans en apprécier l’esthétisme. Je suis trop « rital » pour ça. Très jeune j’ai été happé par les « mods ». J’ai commencé à porter des costumes à 14 ans. J’avais la chance que mon père soit tailleur, je portais donc des costumes sur-mesure. Une origine italienne, des costars, c’est un truc qui me colle à la peau.  

Etre édité

J’avoue ne pas être du tout du milieu de l’édition, je découvre. J’ai présenté mon livre à Calmann-Lévy quand il a été terminé. Ces derniers m'ont édité. J’ai écrit mon livre sans savoir chez qui, ni même s’il allait être édité (ni même si j’allais le finir). J’ai deux/trois lecteurs qui m’ont aidé, qui ont jalonné mes réflexions sur le bouquin, qui m’ont donné leurs feed back que j’ai parfois écouté. Je fonctionne comme ça, même pour mes disques. Je ne peux pas faire un disque en le signant d’abord. Passer des centaines d’heure de boulot sans connaître quel sera le résultant, c’est toute ma vie.

Considérations diverses

Malgré la noirceur que je peux exprimer en livre ou en disque, Je n’ai pas une vision noire sur le monde. J’ai une vision complexe sur celui-ci et la plus réaliste possible. J’ai fait un choix de vie hyper particulier, qui m’engage complètement, mais je ne vois pas ce que je pourrais faire d’autre !  

 

Franco Mannara sur WHOOZONE.COM

Je m'appelle Birdy vu par Bruno Delaroque

Rencontre avec Franco Mannara autour de Je m'appelle Birdy

Radio Silence vu par Bruo Delaroque

 


Pour aller plus loin


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24/08/2019
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