A+A A-

Aux vents mauvais d'Elena Piacentini

Whooz : Elena Piacentini
ON : Aux vents mauvais (Au-delà du raisonnable, 2017)

Aux bons vents d’Elena Piacentini

Par Bruno D

Au fil de ses écrits Elena Piacentini ne cesse de prouver qu’elle sait élaborer des synopsis de tout premier ordre. Je garde un inoubliable souvenir de « Des Forêts et des âmes », précédent opus de l’écrivaine. Un excellent polar avec son lot de rebondissements, ses personnages attachants et sa toile de fond dénonçant la toute-puissance des labos pharmaceutiques. On y suivait avec intérêt les aventures d’un personnage honnête, droit et dévoué à son équipe, le Commandant Leoni, Corse pur souche dirigeant la section homicide de la PJ de Lille.

Avec « Aux vents mauvais », le nouveau volet fort attendu des aventures de Leoni, Elena Piacentini change de registre pour notre plus grand plaisir et n'hésite pas à se mettre en danger. Ceux qui s'attendent à un récit classique de polar seront très étonné. Certes, le point de départ de cette histoire est la découverte d'un cadavre sur un chantier, certes, Leoni et son équipe vont se coller à la manœuvre. Mais « Aux vents mauvais » est également l'occasion de pointer du doigt un épisode méconnu de notre « belle » histoire de France, celle des réunionnais de la Creuse. Jean Toussaint et son parcours de vie, de 1966 à nos jours, sera au cœur du roman.

Elena Piacentini n'aime pas les injustices et sait le communiquer. Avec sa plume élégante et acérée, l’écrivaine dénonce les inégalités et le racisme sous toutes ses formes. Les vieux démons ne sont jamais bien loin et les protagonistes de ce nouvel opus, Leoni en première position mais également Jean, Colette, Samuel, Mémé Angèle, Grégoire, Fée, Rémi, Thierry, François, Eliane joueront tous un rôle dans un difficile combat contre l'absurdité. La paix de l'âme et la recherche de la vérité auront besoin de toutes ces bonnes volontés.

Elena Piacentini ne livre pas qu’une intrigue policière le long de ses 280 pages. « Aux vents mauvais » aborde l'histoire de gens ordinaires, aux destins croisés au gré des bonnes ou mauvaises rencontres et malmenés par la vie. L'éducation, l'origine, les rapports des uns aux autres, l’amour, l'amitié, la tolérance et son contraire, la politique et ses décisions, l'humanité et la noirceur de l'âme humaine, mais aussi la bonté sont au centre de son récit. « Aux vents mauvais » serait digne d’être classé dans la littérature dites « blanche » ! (Si tant est l’on juge « mineur » le genre policier).

Le dernier opus de l’auteure de « Des Forêts et des âmes » est flamboyant et plein d’humanité. Leoni, en proie à une multitude d'interrogations, est plus que jamais touchant avec ses fêlures et son gros cœur. Un cadavre découvert sur un chantier à Roubaix lance l'enquête et une histoire de gens déracinés aux destins hors du commun traitée avec beaucoup de finesse et de sensibilité. L'idiotie humaine, qu’elle soit xénophobe ou conséquence d'une décision politique est ici désignée au grand jour.

Au début de ma lecture je dois avouer avoir été un peu dérouté par la structure du roman tant elle est très différente des précédents opus d’Elena Piacentini. L’auteure a pris de gros risques, elle se renouvelle ici complètement et réussi à sortir des sentiers battus. Ce septième volet des aventures de Leoni, publié en début d'année, est parfaitement maîtrisé. Il surprend là où on ne l'attendait pas.

« Aux vents mauvais », avec son scénario surprenant, sa mise en scène et son style qui n'appartient qu'à Madame Elena Piacentini, la consacre définitivement et la place au niveau de quelques rares auteurs sachant conter la vie et distiller l'émotion, tels RJ Ellory ou (dans une autre mesure) James Lee Burke (excusez du peu !).