En moi le venin de Philippe Hauret
Whooz : Philippe Hauret
ON : En moi le venin – Jigal Polar, 2019
En moi le venin de Philippe Hauret
Chronique de Bruno D
Après « Je vis Je meurs » (2016), « Que Dieu me pardonne » (2017) et « Je suis un guépard » (2018) – tous parus chez « Jigal » - « En moi le venin » (2019) est le quatrième roman de Philippe Hauret et son héros le lieutenant de police Franck Mattis. Une sacrée aventure depuis ses débuts et une progression fulgurante aussi, car de bouquin en bouquin, on sent apparaître une maîtrise du scénario, du rythme et des personnages de plus en plus ciselés.
« En moi le venin », toujours chez Jigal Polar, est une pure pépite de noir. On y sent le souffle de la vie et le poids de l'existence qui s'étiolent à l'heure du constat de la quarantaine lorsque l'on a la lucidité ou l'inconscience de vouloir faire un bilan.
Franck Mattis, ex lieutenant de police, fait partie de ceux-là et un événement tragique va subitement lui faire prendre conscience de la fragilité de la vie. Ce venin version Philippe Hauret, c'est le poison de la vie qui se distille goutte à goutte sans que l'on puisse y faire grand-chose. Regard désabusé et mélancolique sur une chienne d'existence brinquebalée par les aléas de la vie, c'est un tourbillon puissant qui malmène nos héros, Franck, Esther, Ben, Valéry, Maxence, Warren, Moe, Chana, Cécile et quelques autres.
238 pages d'une histoire où une fois embarqués, une fois la première engagée, on ne peut plus reculer ou même ralentir. Inexorablement le venin se répand et vient s'immiscer en douce, lentement mais sûrement, sans aucune échappatoire jusqu'à atteindre son but et toucher nos protagonistes de plein fouet. Tous sont liés ou presque. A l'école, dans la même classe déjà à l'époque ; et aujourd'hui après des trajectoires et parcours bien différents, ils vont se croiser et se retrouver pour le meilleur et pour le pire. C'est un joli éventail de ce que l'on trouve aujourd'hui : les friqués, ceux qui se retrouvent aux commandes se croient tout permis et se sentent intouchables.
Mattis, c'est moi, c'est vous, c'est l'auteur, on s'y retrouve tous un peu, et on ne peut que féliciter le romancier d’utiliser son flic finalement comme un révélateur pour porter un regard acerbe sur les maux profonds de notre communauté.
Philippe Hauret délivre une vision finalement peu amène de notre monde. Les EHPAD ne sont qu'une version moderne des anciens mouroirs, les politiques, eux, toutes tendances confondues, ne sont en fait préoccupés que par leur propre bien et carrière, tout en tentant de donner le change. « On ne demande pas de résoudre les problèmes, on demande juste de les contenir » ! C'est assez édifiant, mais la vie c'est ça, elle méprise, elle détruit, elle réduit, quelquefois elle offre un sourire, une respiration, mais ça n'est jamais gratuit.
Caustique et sans illusion, Philippe Hauret signe avec ce quatrième opus un roman noir poisseux à souhait, où la frontière entre bourreau et victime est bien mince. La rédemption n'a pas sa place ici et c'est à grande vitesse que file la vie, les vies de tous ces hommes et femmes.
Voilà une nouvelle année qui commence bien avec ce premier coup de cœur 2020 made by Jigal ! Je ne sais pas pourquoi, mais je ne suis même plus étonné. FONCEZ !
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